Belleville, un dimanche de janvier sous la pluie. Vite, on se réfugie dans un café bruyant avec Laurent Geniez et David Aknin, deux des membres du Collectif Slang qui a sorti en octobre dernier son deuxième disque sur le label Chief Inspector. Massés autour de mon micro conférence, les deux musiciens essaient de faire abstraction du brouhaha ambiant pour me parler d’une formule qui a évolué depuis le premier disque « Slanguistic », paru quatre ans plus tôt. Musiciens trop à l’étroit dans le costume du jazzeux lambda, ils préfèrent les alliances hybrides entre rock, jazz, hip hop et électronique, quittes à faire le grand écart. C’est peut-être le prix à payer quand on a les idées larges et un besoin viscéral de liberté. Garçon : une bière, un chocolat chaud et deux allongés !
Pour commencer, pourriez-vous nous présenter le Collectif Slang, comment il est né et qui en sont les acteurs ?
Laurent : je connais David depuis une dizaine d’années. C’est avec lui et Alexandre Hiele à la contrebasse que j’ai d’abord monté un trio. On s’appelait le trio Slang. Et puis au fur et à mesure des rencontres, notamment au studio des Islettes (18e), Maxime Delpierre et Médéric Collignon se sont greffés au projet.
David : à l’époque, il y avait aussi DJ Semi. On a joué un soir ensemble et ça nous a plu.
Quel était le propos de cette formation ?
Laurent : à titre personnel, je voulais sortir du jazz et monter un truc plus pop, rock, funk, hip hop. Notre collectif est passé par plusieurs années d’improvisation totale qui nous ont fait mûrir dans notre approche du son mais qui n’étaient pas en soi un aboutissement. Aujourd’hui, on travaille plus la réalisation sur scène de ce que l’on veut produire et donc, on arrive à des choses plus efficaces plus rapidement.
Pourquoi donc cette étape du premier album (« Slanguistic », paru en 2003) pour fixer des choses qui par essence étaient improvisées ?
David : c’était le cheminement naturel du groupe. On s’est rencontrés au cours de jams dans un contexte jazz/musiques improvisées. Pendant tout ce temps, on a lâché les chiens, ça nous a permis d’explorer. Et puis, on a évolué et nos envies se sont faites plus précises.
Laurent : depuis le début, on a dû faire une bonne centaine de concerts totalement improvisés. Parfois, c’était magique et parfois c’était moins bien. C’est le risque de l’improvisation totale.
Vous est-il déjà arrivé de vous ennuyer sur scène à force d’improviser et de ne pas avoir de directions ?
Laurent : nous ennuyer non, mais douter oui.
David : quand t’es sur scène, t’as pas le temps de t’emmerder, il faut jouer. Seulement, tu sens quand il y a de l’énergie ou pas.
Que vous a apporté ce premier disque ?
Laurent : il nous a permis de passer dans un circuit plus subventionné. Actuellement, vu l’état de la musique, c’est un peu comme si on était obligé de se refaire une image parce que depuis le départ de Médéric Collignon, le milieu du jazz est un peu sceptique. Aujourd’hui, on a tous envie d’un son plus rock, plus pop et si on veut retourner dans ce milieu subventionné, ça va prendre un peu de temps. On a bien sûr l’appui du label mais on fait quand même une musique radicale qui ne passe pas partout. Il faut savoir que le jazz en 2007 à Paris, c’est toujours très be-bop.
David : pour résumer les choses, entre le premier disque et celui-ci, c’est vrai qu’il y a eu une mutation. Médéric a préféré quitter le groupe parce qu’il ne s’y sentait plus à sa place et parce qu’il avait besoin de se concentrer sur son projet perso (Jus de Bocse). C’est très sage de sa part. Nous, on avait envie d’aller dans cette direction un peu plus rock, trash, punk… et c’est ce qu’on a fait.