Entre un hommage à Barbara au Théâtre du Châtelet et une série de quatre concerts avec son groupe au Centre Pompidou, Dominique A assurait la promotion de son premier album live, « Sur nos forces motrices ». L’entretien eut lieu dans les locaux de son nouveau label, CinqSept, du côté d’Oberkampf, et plus précisément dans une pièce totalement vide à l’exception de nous deux, mais avec vue sur le Sacré-Cœur. Propos et rires francs, comme toujours.
Tu es un bon client pour les interviews. Ça doit d’ailleurs être la quatrième fois qu’on se rencontre en treize ou quatorze ans. A mille près, tu penses en avoir fait combien ?
(Il éclate de rire) Ce serait marrant de savoir, j’aurais dû tenir le compte… Bon, maintenant, c’est trop tard.
Plus sérieusement, on sent que tu prends plaisir à parler de ta musique avec des gens qui s’y intéressent vraiment.
Oui, je n’ai pas de problème avec ça. C’est une chance, et puis c’est assez rigolo. Bon, parfois, j’en ai un peu marre. Une sensation de dégoût peut naître du fait de parler de soi toute une journée, et il y a des retours à l’hôtel un peu glauques… On se sent un peu sale. Le meilleur truc à faire, dans ces cas-là, c’est d’appeler un copain et d’aller boire des coups. Et puis de parler de soi (rires). Indépendamment de l’aspect narcissique de la chose, c’est quand même une tribune pour amener des gens à ce que tu fais.
Pourquoi sortir un live maintenant ?
Euh… (Il hésite) Pour plein de raisons, en fait. Ce qui a activé le projet, c’est la sortie du livre « Les Points cardinaux » chez Textuel. Ça avait été un peu pareil il y a douze ans : quand j’avais joué au Théâtre de la Ville, en 95, ça m’avait incité à boucler l’enregistrement de « La Mémoire neuve » pour qu’il y ait une sortie d’album qui coïncide avec les dates. Chez Textuel, ils voulaient publier le bouquin à l’automne 2007 et ils m’avaient demandé, un an et demi avant, s’il y aurait un disque à ce moment-là. Je venais de sortir « L’Horizon » et j’allais partir en tournée, donc c’était trop tôt pour un nouvel album studio. C’est là que j’ai repensé au live.
Après, à l’automne 2006, il y a eu le projet de réenregistrer « Le Courage des oiseaux », une idée qui traînait depuis longtemps. On avait une version de scène qui faisait l’unanimité, un truc un peu Macumba, quoi. Je ne suis plus du tout rétif à ce genre de retour sur soi, j’ai suffisamment de disques et de chansons derrière moi aujourd’hui pour ne pas avoir peur de regarder dans le rétro.
On pensait faire une version studio mais ça a capoté car ç’aurait été difficile de rentrer dans nos frais. En revanche, ça a relancé le projet du live, d’autant qu’avec mon groupe de scène j’étais arrivé à quelque chose qui me séduisait complètement, une ligne médiane entre brutalité et sophistication, entre la tournée « Auguri », très rock’n’roll, et celle de « Tout sera comme avant », où c’était très flottant, fragile. Avec mon groupe actuel, on a une vraie puissance de feu, après trois ans de travail en continu. A un ou deux rabat-joie près, il y avait d’ailleurs une unanimité assez hallucinante sur les derniers concerts. Un live, c’était une façon de garder trace de ça, avant, sans doute, de collaborer avec d’autres musiciens et techniciens.
Les titres proviennent de plusieurs concerts ?
De quatre soirées, oui. Si ça n’avait tenu qu’à moi, ça aurait été plus car ça nous aurait donné plus de choix. L’idée, c’était pas « Un soir, un train » : l’aspect souvenir, je m’en fous complètement, on a même atténué les applaudissements ! (rires) C’est vraiment l’aspect musical qui m’importait. Le live, souvent, c’est comme quand quelqu’un te raconte la fête à laquelle tu n’as pas été, ce n’est pas très passionnant. Là, le but, c’est que notre fête lugubre intéresse des gens qui n’y ont pas assisté. C’est comme une revisitation du concert via les bandes qu’on avait, avec l’idée de « raconter » quelque chose de différent de ce qui était raconté dans les disques, ou de mettre les choses en scène différemment.
Tu as quand même des albums live de prédilection ?
J’aime beaucoup « C’était ici » de Yann Tiersen, et pas seulement parce que j’y ai participé ! (rires) Je le trouve très réussi en termes de son et de qualité musicale. Sinon, les deux live que j’ai le plus écoutés dans ma vie, c’est « Urk » des Nits et « Live Killers » de Queen. Avec le mien, je me proposais d’être un peu à la croisée des chemins ! (rires) Tout ça pour dire que je n’en ai pas écouté beaucoup. Mais c’est aussi parce que l’exercice est ingrat que c’était assez intéressant de s’y frotter. Et puis, inaugurer le label CinqSept avec un live, c’est un peu un pied de nez. En général, un live, c’est pour accompagner un album qui a cartonné, ou alors un artiste qui fait chier pour avoir son jouet. C’est tout sauf motivant pour une maison de disques. Moi, j’ai envie que ce soit une pièce à part entière de ma discographie, et même, à terme, qu’on le considère comme mon huitième album. C’est très présomptueux, mais bon, soyons présomptueux, n’ayons l’air de rien ! (rires)