SOLTERO
C’est l’été au bord du bassin de la Villette et Tim Howard (Soltero) est tout sourire. Est-ce le soleil qui le met de bonne humeur, les jolies passantes ou son séjour d’un mois à Paris pour promouvoir son cinquième album, « You’re No Dream », distribué en France par Messie Murders ? Un peu les trois en fait. Pour ceux qui n’auraient pas suivi, Tim est une bonne connaissance de POPnews. Son précédent album « Hell Train » avait marqué la rédaction et c’est donc avec une joie non dissimulée que nous retrouvons ce songwriter de Philadelphie lunaire et francophone. Assis en tailleur sous un kiosque, nous engageons la conversation de manière informelle. Il est d’abord question des Doors, de la poésie juvénile de Jim Morrison, puis des textes de Creedence Clearwater Revival dans le contexte de la guerre du Vietnam et, enfin, par une habile manœuvre, de Soltero. Sans transition…
Et toi, alors, tu écris des histoires dans tes chansons ?
Non pas forcément car la vocation d’une chanson ce n’est pas forcément de raconter une histoire. En tout cas, si j’en raconte, elles n’ont jamais un début et une fin. C’est toujours assez tordu. Peut-être que je fais semblant de raconter des histoires en fait. C’est plus important que les paroles te donnent un sentiment et te laissent penser que c’est peut-être une histoire.
Comment écris-tu ? En associant des images, des morceaux de récits ?
C’est à chaque fois différent et c’est pour ça que c’est chiant. J’aimerais bien savoir une fois pour toutes comment ça marche ! Quand je suis une idée, le résultat m’échappe toujours si bien que je n’arrive jamais là où j’aurais pensé aller. Quand j’ai débuté, je croyais que je pouvais écrire une chanson sur un sujet précis mais ce type de chanson n’est pas si intéressant pour moi parce qu’elles sont trop simples. Je ne sais pas comment les autres font, mais il n’y en a pas beaucoup qui arrivent à écrire des chansons intéressantes à partir de sujets ou articles… A part les grands comme Bob Dylan ou Bruce Springsteen.
Ça ne t’intéresse pas de prendre ta guitare pour faire une chronique du quotidien ou parler d’un sujet qui te révolte ?
Non. J’ai essayé plusieurs fois. Parfois j’y arrive mais c’est rare que la chanson ne comporte pas plusieurs histoires mélangées. En fait je prends beaucoup de temps pour écrire les paroles.
Tu penses de façon séparée à la musique et aux paroles ou est-ce que les deux sont associées dès le départ ?
Quand j’étais à l’université, je pensais beaucoup plus aux paroles. J’en écrivais beaucoup parce que j’avais plein d’idées marrantes. Des blagues surtout. Maintenant, c’est différent. J’écris les paroles en composant la musique. Ces chansons qui naissent ainsi sont mes préférées. Donc, le son et la musicalité m’importent plus. Quand je compose, je suis une mélodie et aussi un sentiment très vague qui donne toute la couleur au morceau. Dans ce contexte, chaque parole que j’ajoute peut vite déséquilibrer la chanson. C’est comme un château de cartes, c’est très fragile. Du coup, j’ajoute des paroles très lentement en recherchant la justesse.
En tout cas tes paroles intriguent un peu. « Prick on The Prowl » par exemple… Tu parles de masturbation ?
Non ce n’est pas une chanson sur la masturbation. C’est une de mes chansons les plus directes. Le titre explique tout. « Prick On the Prowl » ça veut dire littéralement « une bite qui cherche ce qu’elle veut » mais ça a aussi un sens plus obscur. Plus généralement, j’aime bien qu’on ne comprenne pas trop mes paroles car j’ai toujours évité d’être un poète qui écrit des chansons. Je ne suis pas amateur de poésie. Je préfère la musique. Aux Etats-Unis, on me dit que je suis un poète mais je ne suis pas d’accord avec ça. Le fait qu’il y ait quelqu’un comme Jean-Charles (Messie Murders) qui ne comprend pas les paroles mais qui aime la musique me fait penser que j’ai accompli ce que je voulais faire.
Sur ta page MySpace, quelqu’un a mis « le guide sur Soltero » qui cite pêle-mêle plein de références pour parler de tes disques : Loudon Wainwright, Joni Mitchell, Elliott Smith… Est-ce qu’il y a des gens qui t’ont donné envie de faire de la musique ?
Oui, il y en a plein mais pas forcément les trois que tu as mentionnés. J’ai commencé avec le rock classique : The Beatles, Pink Floyd, Led Zeppelin, … Il y a quelques singers/songwriters qui m’ont beaucoup influencé quand j’étais au collège et au lycée comme Shane McGowan des Pogues par exemple et aussi un chanteur inconnu (même aux Etats-Unis) qui s’appelle Karl Hendricks. Il a des chansons très personnelles avec des paroles à la fois drôles et tristes. Ça m’a beaucoup marqué. Il a été un guide pour moi. Il m’a appris comment m’exprimer autrement qu’en imitant les groupes indies que j’écoutais alors comme Fugazi ou Sebadoh. En fait je n’avais pas envie de faire partie d’un groupe avec d’autres amis. Les années passant je comprends de mieux en mieux comment écrire la musique qui me correspond même si je ne suis pas toujours satisfait du résultat.
Tu as écrit cinq albums, quel regard portes-tu sur eux ?
C’est bizarre, chaque album a des choses que j’aime. Sur le premier j’ai vachement de mal à écouter ma voix. Je ne crois pas que je savais chanter. Sinon, c’est un album charmant parce que je ne savais pas du tout comment faire un disque. D’ailleurs, j’évite de trop savoir comment ça marche. Chaque album est différent dans l’approche et aussi parce que j’ai travaillé avec plein de gens différents. Je n’ai jamais voulu faire cinq albums. A chaque fois que j’ai terminé un disque je pensais ne plus avoir envie d’en faire un autre pour me sentir libre de faire autre chose. Mais à chaque fois j’ai un autre album en moi et je ne me sens pas du tout capable de continuer ma vie sans l’enregistrer.
Là, tu as un nouvel album en toi ?
Oui exactement. Après « You’re No Dream » je pensais vraiment que ça n’arriverait plus. Mais j’ai déjà des chansons, pas encore achevées mais qui me surprennent parce que j’ai trouvé l’inspiration dans d’autres parties de ma vie. J’essaie de ne pas me mettre la pression mais c’est difficile parce que j’ai les chansons en moi. Je me sens mal à l’aise de me lever, d’aller au travail sans travailler sur les chansons. J’aimerais bien arriver pendant un an ou deux à ne pas faire de musique du tout…