Faut-il encore présenter Xavier Plumas, leader du groupe sarthois Tue-Loup et auteur à la plume trempée dans la tourbe ? Le temps d’un disque solo, il délaisse sa meute pour se frotter à la gueule d’un cougouar tout droit sorti de son bestiaire personnel. Xavier frappe un grand coup avec l’humilité qu’on lui connaît. Des chansons folk superbement enluminées par des arrangements soyeux, des textes poétiques toujours aussi impénétrables mais à la fluide musicalité. Plumas prend l’air et ses chansons se libèrent. De l’artisanat d’art.
Quelle opportunité a représenté pour toi cette escapade solo ?
Ça m’a permis de voir si mes chansons valaient la peine et tenaient debout toutes seules sans les musiciens de Tue-Loup parce que l’idée de départ, c’était de construire l’identité du disque autour des versions guitare-voix.
Ce n’était pas déjà le cas avec « Le Lac de Fish » qui devait initialement être un disque solo de Xavier Plumas ?
Oui c’est vrai. Quand je joue mes chansons tout seul dans ma cuisine, je les trouve très bien. Le test, c’est de savoir si d’autres vont les trouver intéressantes telles quelles. Pour « Le Lac de Fish », comme je les ai très vite fait écouter à Thierry et aux autres membres du groupe, c’est devenu un disque de Tue-Loup, du coup je n’ai pas pu les jouer tout seul.
Vois-tu une différence entre être l’auteur d’un groupe et être un auteur tout court ?
Non, tout s’enchaîne naturellement. Ces chansons auraient pu être proposées au groupe, elles auraient alors constitué un nouvel album de Tue-Loup qui aurait sonné différemment. Mes chansons ne sont pas déterminées pour faire partie de tel ou tel projet. J’écris tout le temps, je stocke des textes et des musiques. J’essaie d’assembler tout ça. Quand j’en ai une dizaine de prêtes, je me dis que j’ai la matière pour enregistrer un disque. Mais ce n’est pas réfléchi comme un concept avec une écriture particulière pour chaque projet. J’écris toujours sur la même chose, comme la plupart des gens.
Et ton rapport à l’instrument ? Sur les premiers albums, tu n’étais crédité qu’au chant alors que, manifestement, tu es un vrai guitariste qui compose ?
Oui, c’était une erreur. Déjà sur le premier Tue-Loup, c’était des morceaux que j’avais composés à la guitare et que j’avais proposés au groupe. C’était une erreur du type qui faisait la pochette. Depuis le début, je ne me considère pas particulièrement ni auteur ni musicien. Je suis les deux. Ce qui est un peu bâtard parce que je ne suis pas aussi bon qu’un vrai musicien. J’adapte ma technique musicale au besoin d’accompagner des chansons.
C’est toujours ça qui prédomine, le besoin pour toi de servir un texte ?
Ça dépend. Pas nécessairement. Sur l’album il y a un instrumental qui a été écrit comme tel. J’aime bien n’être que musicien mais, par manque de travail et aussi parce que ce n’est pas ma sensibilité de devenir un grand musicien, j’ai une technique limitée. D’autodidacte en fait. Mais ça a un intérêt parce qu’on peut avoir des idées ou faire des trouvailles un peu originales de temps en temps.
Est-ce que cet album t’a réclamé un effort de composition particulier ?
Oui, quand même. Dans ma manière de chanter surtout. Comme ça se concentrait sur des versions guitare-voix, je savais qu’on entendrait particulièrement ma voix, donc j’ai pu me permettre des variations, des subtilités dans l’interprétation qui n’auraient pas été possibles au sein d’un groupe, simplement parce que le volume sonore oblige le chanteur à faire en sorte que ça sorte. Là, la formule choisie permet plus de nuances dans l’intime.
Est-ce que tu revendiques tes origines rurales et provinciales à travers tes textes ?
Non, ce n’est absolument pas une revendication, je travaille sur ce que je connais le mieux. C’est le moyen le plus sûr d’être un tant soi peu pertinent. Il se trouve que je vis en province et à la campagne et que ça a une influence assumée sur mon travail mais je ne revendique rien. Je ne voudrais pas passer pour un artiste régionaliste en guerre contre Paris et la cité en général. Les gens qui m’intéressent sont ceux qui partent du tout petit pour finalement accéder à quelque chose de plus vaste qui va toucher plus de monde. Que l’on vive au fond de la Sarthe ou au cœur de Paris, on peut avoir plein de choses en commun humainement…