FESTIVAL PRIMAVERA SOUND – Barcelone, 23 et 24 mai
Après la monumentale programmation de Benicassim 2002, la proche cousine Barcelone se devait de relever le défi, ce qu’elle a fait avec des affiches incroyables que votre webzine préféré ne pouvait manquer. A peine arrivé sous la canicule, une constatation s’impose : sous des apparences de contrôle total – billet avec hologrammes, badges à code barre et surtout vérification des empreintes digitales ! -, l’organisation se révèle en réalité assez hasardeuse et nous devons batailler pour obtenir nos entrées. Après quelques pas parmi la foule nonchalante, force est de constater que l’insupportable « total look » n’est pas aussi répandu qu’il aurait pu l’être, le « non style » lui étant apparemment préféré. Pas non plus de fraggle parti pour se « faire » tous les festivals de l’été avec son sac à dos et une paire de chaussettes, on n’est plutôt entre fans de musique.
On a manqué la soirée d’ouverture (avec entre autres The Streets et Godspeed), programmée en dernière minute le jeudi soir, le festival débute donc pour nous en après-midi au Mercat de les Flors. Après un rapide tour des stands des différents labels – nombreux, mais pas tant que ça – je me dirige vers la grande salle, très grande salle, où joue déjà le groupe Airbag, devant un public clairsemé. Airbag, ce sont trois espagnols énervés qui font du punk-rock et ne réussiront pas à me faire oublier que nous étions dans le train la veille, alors que les Buzzcocks dynamitaient le Trabendo à coup de vieux tubes vintage. Mais c’est pas mal quand même.
Place ensuite aux petits français de l’étape : Calc. Toujours aussi peu de monde, et c’est bien bête car, aidé par quelques projections amusantes, le concert commence sous les meilleurs auspices, une certaine tension bonifiant grandement les superbes compositions toutes en finesse du dernier album (toujours vivement conseillé). Mais devant un problème récurrent de son, l’intensité laisse vite la place au découragement et, guère motivé par la faible assistance, le groupe semble un peu balancer le concert à la va-vite. Dommage.
Le premier vrai instant de grâce du festival sera à porter au crédit des Montgolfier Brothers. Roger Quigley et Mark Tranmer, accompagnés d’un troisième larron guitariste, nous font pénétrer dans leur monde d’un coup d’un seul. Lit de guitares évoquant Durutti Column, boîte à rythmes Cash Converter et la terrible dégaine de Quigley, entre classe british à la Morrissey et alcoolisme éploré, pour débiter ses textes crus sur les couples qui se font et (surtout) se défont… Les deux albums du duo sont passés en revue, avec en guise de sommet le fabuleux « Between Two Points ». Un peu bricolo, mais émouvant. Suivent les Tea Servants, Espagnols dont l’album nous étant parvenu grâce à Pop Lane l’an passé avait amusé, surtout le temps d’un « I wanna be Jay Jay Johansen » tubesque et goguenard. Un tube que je guette donc… tout seul devant la scène (il n’y a toujours pas grand monde), sans être vraiment convaincu, tant le bouillon servi par le groupe, sous la bonne influence de Jonathan Richman pour le meilleur, lorgne parfois vers du mauvais Hefner, voire, pour le vraiment pire, vers un rock festif du plus mauvais effet. Il est 19h et le moment est venu de nous diriger vers la scène Rockdelux, perchée sur les hauteurs du Poble Espanyol, pour y retrouver l’envoûtante Thalia Zedek. Manifestement en forme et en pleine possession de sa singulière voix, elle apparaît sur scène en compagnie du beau Nacho Vegas qui, en plus d’une présence en pointillés (téléphone portable oblige !) souffre d’une guitare couverte par le violon sur-mixé de David Michael Curry. Qu’à cela ne tienne, nous profitons d’instrumentations digne de Dirty Three et d’une prestation globale ouvrant de belle manière cette première soirée.
Vient ensuite le fameux Nacho Vegas Y Las Esferas Invisibles, à son tour accompagné par Thalia Zedek au hautbois. Une fois le soleil couché, et les lunettes ôtées, nous pouvons constater les ravages des drogues sur son visage terriblement marqué. Avec un public évidemment acquis à sa cause, le senior retourne littéralement la salle avec un magistral « En La Sed Mortal ». Bouleversant. Malgré un concert assez inégal, trois titres énormes sortent du lot lors de cette prestation : « En La Sed Mortal », « Sólo El Viento » et « En El Jardín De La Duermavela ».
La partie ne paraît pas gagnée d’avance pour les Go-Betweens, préférés en ce qui nous concerne à Arab Strap que l’on choisira de revoir dans une ambiance plus intime en France bientôt. C’est le toujours vert Robert Forster qui vient donner des leçons de charisme à la jeune garde rock’n’roll à l’affiche du festival, mettant dans sa poche le public massé sous la tente de la scène Rockdelux au terme d’un concert certes classique (à peu près le même que celui donné la semaine précédente au Café de la Danse, moins un rappel), mais riche en perles pêchées au fil de toute la carrière du groupe, avec un accent sur les deux derniers albums. Et comme il n’y a pas que des vieux fans dans la salle, pour certains, c’est une découverte assez jouissive (et ça fait plaisir aux vieux fans).
Après ce début appétissant, nous suivons le troupeau massif qui fait route vers la scène Nitsa-Apolo ou s’apprête à jouer Yo La Tengo. Malgré une Plaza Mayor pleine à craquer, la communion n’aura pas lieu, le concert n’étant qu’à partiellement réussi et heureusement sauvé par quelques morceaux fulgurants d’intensité électrique. Après les quelques cervezas absorbées, un bocadillo s’impose avant de voir arriver Teenage Fanclub dont nous ne verrons pas la fin de la très bonne et énergique prestation (Byrds meets Big Star), préférant aller jeter une oreille du côté de la scène Cd.Drome (du nom du meilleur disquaire de Barcelone) où se prépare à entrer en scène Console. Ici aussi la salle est pleine et les cervoises toujours à deux euros (un prix exorbitant pour Barcelone). Oscillant trop entre la pop électro, les boucles techno et leurs fabuleux bricolages electronica, le concert manque de cohérence malgré d’excellents passages où la foule s’emballe sans peine sous l’effet de l’Estrella locale. La suite du programme, nous l’envisageons du côté de la scène Nasti où nous avons rendez-vous avec LCD Soundsystem. C’est alors pour nous l’occasion de nous rendre compte du retard qu’a pris la programmation. Les rappeurs de Gold Chains sont hélas toujours sur scène et reviennent après un interlude mixé pas désagréable. Nous patientons avec une partie de la french crew (Magic!, Poplane, Radio Campus, Principe Actif, SDEP, etc.), aidés en cela par une heure et demie de mix au cours desquelles chacun a pu prouver la souplesse de son bassin et sa capacité à sourire bêtement à son voisin (pourvu qu’il n’y ait pas de photos !). Après deux heures d’attente trémoussante sans LCD Soundsystem, nous décidons de retourner à Rockdelux pour aller y voir 2 Many Dj’s. Seulement voilà, le retard s’est aggravé, il est 5h30 et vos gentils envoyés spéciaux sont fatigués. Il est temps pour eux d’aller reposer leur jambes, leurs oreilles et leur foie près de la Sagrada Familia Taxiiiii !