SLICK RICK – The Art of Storytelling
(Def Jam)
Franchement, jusqu’ici, nous avions peu de raison de nous intéresser à Slick Rick. Grand personnage du rap depuis 15 ans, ce MC new-yorkais d’origine anglo-jamaïcaine s’était davantage distingué par ses prouesses lyriques et ses dons de conteur -ce dont nous francophones nous préoccupons peu- que par la beauté ou l’efficacité de ses compositions. De surcroit, détail rhédibitoire, il fut autrefois à l’origine du fléau le plus détestable du rap : la misogynie. C’est d’ailleurs pour avoir joint le geste à la parole (il battait sa femme), qu’il passa quelques temps en prison.
Bref, rien de bien ragoûtant jusqu’à ce nouvel album, où le Ruler s’est adjoint les services du producteur Clark Kent et, comme il se doit, de toute une nuée de stars hip hop. Une chance, les meilleures : Outkast, Raekwon, Nas, Canibus, Snoop Dogg, voire Q-Tip et Redman pour de courts intermèdes. Car il faut bien l’avouer, contrairement à nombre d’albums rap, lassants à force d’être trop longs, les 73 minutes de The Art of Storytelling s’écoutent sans ennui ni temps mort. Seuls deux morceaux lives avec Doug E Fresh, le vieux complice de Slick Rick, confirment que les concerts rap passent généralement mal l’épreuve de l’enregistrement. Pour le reste, nous avons droit à 22 plages d’une constance étonnante. Depuis « Street Talkin » et « Me & Nas… » jusqu’à « Adults Only » en passant par « Impress the Kid », joutes verbales, fonds inquiétants, instrumentations ingénieuses se succèdent avec un égal bonheur. Servis par la voix flegmatique de Slick Rick, qui opère ici le come-back de l’année.