KILLING JOKE – Killing Joke
(Sony Music/Zuma Recordings)
Jaz Coleman, le chanteur de Killing Joke, ressemble à ces volcans qui, régulièrement, sortent de leur faux sommeil pour éructer leur magma en fusion à la face du ciel. Pareil à ces ogres de feu, le chanteur réfugié en Nouvelle-Zélande (pays des… volcans, tiens, tiens) réapparaît, donc, hurlant à la face du monde la bile, la rage, la haine que ce dernier lui inspire. On sent que ça a bouillonné longtemps, là haut, dans les méandres sanguins du cerveau de Coleman. Sa voix rauque fustige confusément les United Nations, les barons du pétrole, les grands trusts, Oncle Sam. Il en appelle à Osiris, au Troisième Ange, à Jacques de Molay (le Templier du XIVe siècle, torturé et brûlé vif)… Une mythologie sombre bourrée, de références occultes, qui nous rappelle que l’homme se réfugia un temps en Islande dans les années 1980 pour fuir l’Apocalypse. Le 11 septembre n’a sûrement pas découragé ses visions de fin du monde.
En attendant cette issue fatale, le prophète éructe, feule, siffle comme un cobra. Impressionnant, d’ailleurs, comme cet homme est capable de changer de voix. Sur le morceau d’ouverture, c’est un nasillement dub qui scande des "illumination" et des "burn" incantatoires (vaudou ?), jusqu’à ce qu’un cri caverneux prenne le relais, comme surgi des entrailles de la Terre. Sur "Total invasion" et "Dark forces", c’est un murmure monstrueux, tout en sifflements menaçants, qui semble nous plonger dans l’antre d’une créature démoniaque (un Alien privé de sa mère trop longtemps, par exemple). On est presque rassuré lorsque Coleman reprend sa voix "normale", rocailleuse et illuminée. Difficile, on l’a compris, d’éviter le bréviaire géologique (les volcans, le magma, l’écorce terrestre, la tectonique des plaques, que sais-je?) pour décrire le son Killing Joke. A l’organe de Coleman, il faut ajouter les grondements trépidants de Dave Grohl (fan du groupe recruté à la batterie avec Youth), la guitare corrosive de Geordie et la basse martiale de Raven. Un univers de plomb, de rage qui, par miracle, évite la caricature hard rock, metal, fusion et on en passe. On regrette en revanche, ici, l’absence de mélodie aussi acrocheuse que sur les précédents disques du groupe ("Democracy" et "Pandemonium" en tête). D’habitude, figurez-vous, franchi le mur de barbelés, on percevait une mélodie, lancinante comme une douleur. Pas grand chose mais un néon récalcitrant dans une sombre impasse, quelque chose qui éclaire un peu les ténèbres. Ici, hormis sur "You’ll never get to me", pas de ligne mélodique à siffloter, rien à quoi se raccrocher dans la tempête. Il faut donc affronter seul ce rock lourd, brut, tortueux, martelé avec force. Bon courage.
Vincent Noyoux
The Death & Ressurection Show
Total Invasion
Asteroid
Implant
Blood on Your Hands
Loose Cannon
You’ll never get to me
Seeing Red
Dark Forces
The House that Pain Built