THE GROWING CONCERN – The Growing Concern
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C’est simple, on ne sait quasiment rien de The Growing Concern, sinon que ce septet composé de cinq garçons et de deux filles est originaire de San Francisco et auteur d’un fabuleux et unique LP, "The Growing Concern", publié en 1968 par Mainstream Records. On perd d’ailleurs toute trace des différents membres après leur renvoi du label, comme s’ils avaient définitivement abandonné la musique. Rien. Pas une information. Ils ont simplement disparu de la circulation aussi vite qu’ils y étaient apparus. L’album étant absolument introuvable, n’ayant évidemment jamais été réédité, Radioactive se chargea en 2004 de le represser dans l’illégalité la plus totale. Toujours est-il que découvrir ce LP plus de quarante ans après sa création est une grande satisfaction, d’autant que le passage pour le moins sauvage du vinyle au CD effectué par les gorets de Radioactive n’a par bonheur fait que peu de dégâts techniques. Si on n’ira pas jusqu’à les élever au niveau de leurs plus fameux contemporains, The Growing Concern fut indéniablement un groupe pétri de talent, exalté et parfois même en état de grâce, dont la marge de progression aurait pu être énorme avec de la persévérance et davantage de timing. A comparer aux classiques, il fait certes discrète figure, mais sa valeur se révèle au moins égale aux débuts des Byrds, des Doors, de Jefferson Airplane, des Kinks et consorts.
C’est net comme une lame de rasoir à l’écoute du titre d’ouverture, "Hard Hard Year". Introduction vénéneuse à l’orgue, couplets entraînants à souhait, refrain somptueux, chant absolument souverain, digne de Grace Slick dans ses bons jours, guitares toujours sur le point de cracher leur fiel. Il y a tout sur cette première piste : de la maîtrise, de l’énergie, de l’audace, de la spontanéité. "Edge of Time" enfonce le clou avec son étrange introduction alternant angélique chant a cappella, dans une ambiance de recueillement, et guitare arabisante, avant de se muer en un brûlant et irrésistible mélange entre musique country et psychédélique, toujours sous la menace du chaos engendré par l’orgue aux ordres de Dan Passaglia.
Si elle se révèle largement plus ordinaire, "Tomorrow Has Been Cancelled" permet encore une fois d’admirer les chœurs divins de Mary Garstsky (ou Bonnie McDonald, on ne sait guère), qui tient la note presque tout au long de la chanson. Leur ferveur n’en devient que plus évidente avec la piste suivante, "A Boy I Once Knew Well", où l’alchimie entre la voix masculine et féminine, le captivant son de clavecin de l’orgue et l’adéquat jeu de batterie de Ralph Williams, transcendent une mélodie pourtant conformiste. On passera la sympathique et anodine "All I Really Want" pour louer sans mesure leur puissante reprise de "Mister You’re a Better Man than I" des Yardbirds, de même que l’impeccable "What Kind of Life" dans laquelle le contraste entre la voix grave et mâle de Pete Guerino et le ravissant organe de Garstky fait de nouveau merveille. Les trois dernières compositions marchent sans se gêner sur les plates-bandes des Doors ("Other Side of Life"), des Kinks ("I Know a Girl"), mais avec toujours ce mélange des styles et cette instrumentation particulière.
Le disque se clôt sur une assez réussie reprise des Mojo Men, "Sit Down I Think I Love You", admirablement chantée par une des jeunes femmes. Adressé cette fois à un homme, le texte de Stephen Stills fut donc légèrement adapté pour l’occasion, ne perdant rien, au contraire, de son charme typiquement sixties. Le désarroi et l’impatience du narrateur sonnent ainsi moins pathétiques. Un bien bel album, en somme, qui, toutefois, n’est pas près de sortir du gouffre dans lequel il a sombré dès sa publication. C’est peut-être mieux ainsi, le risque pour The Growing Concern d’être conspué et bêtement considéré comme des sous-fifres besogneux étant de plus en plus élevé à mesure que le temps passe.
Julian Flacelière
Hard Hard Times
Edge of Time
Tomorrow Has Been Cancelled
A Boy I Once Knew Well
All I Really Want
Mister You’re a Better Man Than I
What Kind of Life
Other Side of Life
I Know a Girl
Sit Down I Think I Love You
Anne
Commentaire particulièrement éclairé. Merci :0)