MALCOLM MIDDLETON – Waxing Gibbous
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En plus d’être un songwriter impeccable, Malcolm Middleton est un homme prolifique (cinq albums en sept ans, pas vraiment le mollasson Leonard Cohen donc) et terriblement sévère envers lui-même. "La merde habituelle" répond-il laconiquement quand on lui demande de qualifier son nouveau LP. Bon sang, des étrons pareils, on aimerait en déguster aussi souvent que possible ! Au vu de la qualité de ses précédentes productions, on pouvait légitimement se demander s’il réussirait à tenir la distance, l’inspiration chutant inévitablement à un moment ou à un autre, quel que soit le talent. Le moment n’est pas encore venu, puisqu’encore une fois, Middleton a écrit un album on ne peut plus charmant et délicat. Drôle et effrontément pop en plus de cela. Ses compagnons d’Arab Strap, Jenny Reeve et Kenny Anderson (King Creosote) y chantent plutôt adorablement bien et Barry Burns accomplit un admirable boulot derrière ses fûts, poussant certains titres dans leurs retranchements, notamment sur la gigantesque "Kiss at the Station" (écoutez les choeurs!) ou la renversante "Shadows". La chanson d’ouverture,"Red Travellin’ Shoes", que l’Ecossais considère comme son "Bohemian Rhapsody" (mon Dieu ! pitié…) partage heureusement plus de points communs avec un classique de Springsteen, notamment avec le récent "Outlaw Pete". Changement de registre avec "Zero", au tempo entendu cent fois et pas même corrigé, mais terriblement efficace avec cette combinaison de phrasé catchy, d’orgue putassier, d’électronique basique et de basse groovy. Un peu agaçant à la longue, certes, mais je me sens guère d’humeur à lui reprocher sa fraîcheur, d’autant que, visiblement, Middleton fait par la suite de son mieux pour essayer de nous mettre le moral à zéro. "Everything I do is redondant / Everything I say is a lie" chante-il dans "Dont Want to Sleep Tonight". Perdu, jeune homme ! Quand bien même il rampe comme un chien battu dans l’auto-dépréciation, il esquive l’irritant pathos contemporain dont certains semblent particulièrement dépendants (Editors, Interpol et Muse en tête de gondole). Une lueur paisible s’échappe ainsi des moindres accords acoustiques, des crescendos fulgurants de Burns, des choeurs engageants de Jenny, des simples mais attrayantes parties de claviers dont l’album est discrètement truffé. Middleton est même ouvertement léger avec la rigolote "Ballad of Fuck All", dont le refrain sucré réjouirait certaines radios. On se demande ainsi s’il n’a pas sciemment allongé la longueur de ce morceau pour se dérober aux programmations des DJs. Parce qu’attention les oreilles, avec quelques coupes habiles, elle pourrait sans problème se retrouver en rotation lourde tout l’été. Au Royaume-Uni du moins. Pour le meilleur et pour le pire, on peut d’ailleurs autant en dire de "Red Travellin’ Socks". Middleton se rapproche donc autant qu’il peut du mainstream sans ressentir l’impression de se compromettre et d’avoir soudainement envie de vomir. On imagine à peine les paroles désolantes qu’il écrirait alors… Selon le monsieur, "Waxing Gibbons" serait son dernier album avant un sacré bout de temps. Je n’y crois guère… Quoi qu’il en soit, les fans de Middleton trouveront le LP splendide. Les autres aussi.
Julian Flacelière
A lire également, sur Malcolm Middleton :
la chronique de « Sleight Of Heart » (2008)
la chronique de « A Brighter Beat » (2007)
la chronique de « Into the Woods » (2005)
l’interview (2002)
Red Travellin’ Socks
Kiss at the Station
Carry Me
Zero
Stop Doing Be Good
Don’t Want to Sleep Tonight
Shadows
Ballad of Fuck All
Box & Knife
Make Up Your Mind