JEEPSTER – What If All The Rebels Died?
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Jeepster n’est autre que la nouvelle formation de Kyle Marcelli et Justin Goings, respectivement ex-bassiste et ex-batteur d’O! The Joy, dont le premier et unique LP a été publié par Distile Records il y a quelques mois. N’appréciant pas la direction prise par le groupe, les deux musiciens ont quitté Sacramento pour s’installer à San Francisco, commençant à faire des boeufs avec un chanteur de Nevada City, Jonah Wells. Les trois compères s’entendirent si bien qu’ils formèrent donc Jeepster, dont le premier LP sort en avant-première en Europe, toujours chez les bonnes gens de Distile. Les studios de San Francisco étant bien trop dispendieux pour leur bourse ô combien serrée , "What if All Rebels Died?" fut enregistré dans la cabane d’un ami, perdue dans les bois près du Lac Tahoe, à la frontière entre le Nevada et la Californie. Un choix pécuniaire s’ajoutant à la volonté du groupe de s’éloigner de l’environnement anxiogène du grand centre urbain. De l’aveu du bassiste, « cela aurait été trop ardu et éprouvant « .
Le disque, sympathique d’entrée, est bondé de bonnes vieilles guitares rentre-dedans et de mélodies pop dans le style de Big Star (il faut (re)découvrir sans attendre l’excellent et sous-estimé "Radio City" !). Pas vraiment du genre à câliner l’auditeur, le trio a le bon goût de ne pas utiliser deux fois la même idée dans une chanson : "Ex Oh" aurait pu devenir un classique power pop, la clique s’en contrefiche et stoppe le défouloir au bout d’une minute cinquante, juste au moment où la paille s’embrase. Suicidaire, dirait un boss de major. Qu’importe, ils ont bien raison. C’est parfait ainsi. "Fiction Fiction" et "You Can’t Stop" sont du même tonneau, juste ce qu’il faut d’encrassé pour s’aligner sur le post-punk des années 70, gardant toujours un caractère turbulent en dépit d’une harmonie mélodique que l’on suit avec aisance. Les riffs s’impriment vite à l’esprit, le rythme est, comme dirait Rimbaud, en avant, et contrairement à O! The Joy le groupe ne se perd pas dans d’ennuyeux et prétentieux bouleversements progressifs. Jeepster suit sa ligne et tient ferme, ne perdant pas de vue qu’un musicien rock doit écrire avant tout des chansons avant de songer à jouer au Coltrane du pauvre.
Rien de bien nouveau sous le soleil californien, soyons francs, l’auditeur averti reconnaîtra ici et là des passages inspirés des grands groupes pop de la British Invasion (les synthés au son de mellotron qui raviront les amateurs des Zombies, la psychédélique "Don’t Go Too Far", que les Beatles auraient pu placer dans "Revolver", le fuzz de la basse, le chant un peu lointain enregistré live). Pas de panique, le rock a toujours marché ainsi, les Doors chapardant les Kinks, R.E.M. le garage des années 60, et ainsi de suite. On ne fera pas la liste : le rock c’est le grand recyclage éternel. Tant que tout cela reste de bon goût… et honnête, sans clichés, ce qui est le cas de Jeepster, il n’y a pas lieu de s’en plaindre. On sent chez ces Américains un amour de la musique, une vraie joie dans l’écriture (les textes sont par ailleurs une coudée au-dessus de la moyenne) et, plutôt rare, un désintérêt pour la pose étudiée d’indépendant arty poussant fort pour paraître intelligents. Une belle affaire, maîtrisée, sûre de sa force, sans complexe ni tergiversations. Ambitieux, Jeepster compte enregistrer en 2009 pas moins de deux LP supplémentaires. La page O! The Joy est définitivement arrachée.
Julian Flacelière
A Day in the Dark
Don’t Go Too Far
Ex Oh
Write the End First
Sweet 1:23
You Can’t Stop
Ditches
Be Good in Your Neighborhood
Fiction Fiction
What If All the Rebels Died?