ANIKA – Anika
(Invada Records / Differ-Ant) [site] – acheter ce disque
Rappelez-vous, l’an dernier, quand The XX nous ensorcelait avec leur minimalisme cafardeux et esthétique. Eh bien c’est au tour d’Anika de reprendre ce flambeau casse-gueule. Anika ? Oui, une jeune chanteuse de 23 ans (également journaliste) sortie de nulle part. Enfin pas tout à fait, puisqu’elle sort de la cuisse de Geoff Barrow (vous savez bien, le maître à penser mutique de Portishead). Difficile de rêver meilleur passeport pour monter sur scène ! Entre la blonde sylphide et le producteur, le coup de foudre artistique fut immédiat et, au bout de 12 jours de gestation en studio, ils donnaient naissance à ce disque ovni gorgé de reprises passées à la moulinette.
Anika nous fait le coup de la teutonne à voix sépulcrale qui n’est pas sans rappeler l’altière Nico (elle est à moitié allemande par sa mère, CQFD). Même blondeur, mêmes limites vocales, même côté arty. Tout l’intérêt du disque réside dans le contraste entre cette voix blanche, désincarnée, à la limite de la scansion et ces lignes de basse dub qui donnent le pouls à des ambiances post-punk viciées. En voilà que cette galette réjouira – les fans de PIL, de Bauhaus, du Velvet – par son esthétique dark/indus qui distille un poison vénéneux. Et au passage, il faut saluer bien bas les architectes sonores de Beak> (Geoff Barrow, Billy Fuller et Matt Williams) qui jouent aux laborantins maléfiques avec leur créature en lui faisant chanter des reprises tordues comme ce « Yang Yang » pâteux de Yoko Ono ou ce « Masters of War » transformé en dub incantatoire de ce cher Bob. Dans la bouche d’Anika, « I Got To Sleep » des Kinks devient une ritournelle cabaret et la très inoffensive popsong sixties « Sadness Hides the Sun » se change en un chant antédiluvien.
Trop tôt pour dire si Anika est une artiste à part entière ou seulement le jouet de son Pygmalion. Certes, elle n’a pas encore de répertoire propre (même si elle co-signe deux titres) et on a du mal à l’envisager sans les musiciens de Beak> pour l’épauler en concert. Pourtant sur scène, c’est elle qui capte toute l’attention. Beauté lasse et impassible qui hésite encore entre posture et vraie timidité. Ce disque monstre, frappé d’un atavisme puissant (le métissage musical cher aux hérauts bristoliens) se révèle vite obsédant sous son apparente austérité. C’est en grande partie imputable au choc des cultures qu’il fait naître quasi involontairement, un peu comme si les Nibelungen allaient s’encanailler dans une Dance Hall Party. Tout cela est terriblement chic et décadent. Un coup de maître du label Invada Records.
Luc Taramini
Terry
Yang Yang
End of the World
Masters of War
Officer Officer
Sadness Hides the Sun
No One’s There
I Go to Sleep
Masters of War (Dub)