ANNA CALVI – Anna Calvi
(Domino Records) [site] – acheter ce disque
On entend de partout de multiples jérémiades au sujet de ce disque. Fallait-il autant de discours, autant de comparaison, autant de haine aussi ? Ne pas l’aimer est une chose. Prendre des airs geignards en lui reprochant tous les maux de la terre dans des termes pleins de fiel est sûrement excessif et d’une rosserie stérile. On a l’impression qu’avec ce genre de disque la demi-mesure n’existe pas, qu’il faut en guise d’accroche être élogieux ou délateur sous prétexte d’une certaine indépendance « éditoriale ». Vociférer sur la vacuité, cela peut en valoir la peine, y a de quoi s’amuser en ce moment dans l’actualité musicale. Mais là, un peu de mesure ! Il ne s’agit que d’un disque. D’un bon disque, rien de plus. Inutile dès lors d’exercer une sorte d’opprobre ou de bannissement.
Cela étant dit, pour commencer, chose évidente, l’attaché de presse, une sorte de Marilyn tout droit sorti de « La carte et le Territoire » a dû faire un sacré boulot, nous laissant mijoter doucement, à petit feu depuis des mois. Chapeau !
Nécessairement ce disque intrigue. Les premiers titres entendus ici et là auguraient déjà le calme et la tempête à la fois. « Jezebel » et « Moulinette » nous rappelaient qu’aujourd’hui rock et lyrisme étaient relégués dans les limbes des années 80-90. Un disque de cette espèce se détache naturellement du reste. Le charme de la demoiselle n’y est certainement pas pour rien dans toute cette agitation.
Certes bourré d’écueils à commencer par cette intro trop démonstrative qu’est « Rider To The Sea », ce premier disque n’en est pas moins sémillant. « No More Words » l’un des sommets du disque avait toutes les qualités pour introduire l’album : ritournelle sixties, voix posée et magnifiquement libérée.
Mais là où le bât blesse, c’est dans cette manière de vouloir chanter trop bas et d’élargir sa tessiture aux extrêmes. Cet effet assez désagréable produit une sorte de surenchère sur plusieurs titres. Ainsi « Desire » pourrait facilement se retrouver au générique de la finale de la Ligue des Champions tellement cela vire à une sorte de performance à la ferveur trop appuyée. Lui faut-il sûrement encore un peu de temps pour s’en défaire, l’apprivoiser pour la rendre plus spontanée. On est également tiraillé par le sentiment d’un manque patent de modestie, de bonhomie. « Devil » tourne à la performance larmoyante, sorte d’hymne « Piafien » sous la regard médusé de Buckley. On sait que la demoiselle est bourrée d’ambition et n’a pas froid aux yeux. De là à utiliser l’artillerie lourde… Elle nous offre ici un disque imparfait manquant souvent de maturité mais avec tout de même de grands titres tels que « First We Kiss » ou « Blackout » ainsi qu’une mise en avant de la guitare, dont elle joue à merveille, assez réussie sur toute la longueur du disque.
Oubliée dans quelques semaines Anna Calvi ? Beaucoup moins sûr.
Benoit Crevits
Rider to the Sea
No More Words
Desire
Suzanne and I
First We Kiss
The Devil
Blackout
Ill Be Your Man
Morning Light
Love Wont Be Leaving