Deuxième album de The War On Drugs, « Slave Ambient » est également le premier que le groupe d’Adam Granduciel enregistre depuis que Kurt Vile, guitariste et membre fondateur, est parti afin de se consacrer exclusivement à ses occupations solitaires. Si son extraordinaire « Smoke Ring For My Halo » est d’ores et déjà promis aux récompenses de fin d’année, on était curieux de voir quelle suite ses anciens camarades donneraient à « Wagonwheel Blues« , premier album de country-rock hypnotique plus que prometteur sorti il y a trois ans. Le E.P. intermédiaire « Future Weather » donnait quelques pistes engageantes aujourd’hui officialisées par un disque nettement moins lo-fi et toujours aussi profondément ancré dans la culture musicale américaine.
Si l’ombre majestueuse de Bob Dylan plane une nouvelle fois sur les compositions de The War On Drugs, c’est au souvenir de tout un univers country-rock radiophonique qu’Adam Granduciel se remémore aujourd’hui. Son écriture très littéraire et imagée nous renvoie des flashs d’une Amérique chroniquée par Springsteen, avec cette capacité à parler de l’intime au sein de chansons tellement accrocheuses qu’elles en deviennent universelles. Meilleur exemple de ce pouvoir d’évocation partagé avec l’auteur de « Born To Run », « Baby Missiles » est un véritable bolide lancé à vive allure sur les freeways de l’Est américain. Un titre à l’urgence contagieuse qui pourrait même rendre jaloux quelques valeureux pyromanes canadiens égarés dans leurs « Suburbs ». L’autre influence majeure, d’ailleurs partagée avec Kurt Vile, auquel The War On Drugs nous ramène est celle de Tom Petty. Rarement cité par la scène indie-rock contemporaine, le blondinet à la Rickenbacker pourrait grâce à eux prétendre à une reconnaissance et une crédibilité auxquelles sa riche discographie lui donne légitimement droit.
Mais au-delà du simple exercice de style parfois un tantinet trop référencé, « Slave Ambient » nous donne la confirmation du potentiel d’Adam Granduciel, leader charismatique dont on ne peut s’empêcher de penser qu’il croisera forcément un jour la route du succès de masse, tout au moins outre-Atlantique. Sur un strict plan musical, on ne pourra que l’inviter à creuser plus loin encore le sillon de ces ballades au lyrisme tourmenté qui mettent magnifiquement en valeur ses talents d’auteur et d’interprète. Car s’il est difficile de résister à un titre comme « Your Love Is Calling My Name » (avec sa rythmique très krautrock), on restera surtout marqué par « I Was There » (le genre de perles que Richard Ashcroft savait écrire il y a quinze ans) ou par le conclusif « Black Water Falls », dernier tour de piste dylanien probablement annonciateur d’autres merveilles à venir.