Le diable. La violence. Voilà qui annonce clairement (ou sombrement, plutôt) la couleur. A l’image de Harbinger, la mixtape jumelle qui l’avait précédée en 2013, cette nouvelle sortie de The Devil semble vouloir explorer jusqu’au bout le thème en question : le mal, la brutalité, la sauvagerie. Et elle le fait sur le mode de l’expérimentation et du collage, avec des morceaux démembrés et parfois bruyant, mettant bout à bout tout ce qui peut lui servir à illustrer le propos : du punk ou du metal, avec Converge et The Dillinger Escape Plan, et même de la country, avec ce bon vieux Johnny Cash, ou une reprise du « Hey Hey My My » de Neil Young. Et puis, essentiellement, du rap, vecteur musical le plus actuel de la violence.
Derek Schkla, l’homme derrière The Devil, est un producteur d’Atlanta, et il s’est fait connaître sur la scène rap en manageant quelques uns des ses acteurs locaux, Pill et Trouble. Nulle surprise, donc, si on retrouve sur VIOLENCE des rappeurs échappés du collectif Duct Tape Entertainment auquel appartient le dernier. Parmi ceux-ci, Pesci, dont c’est ici quasiment la mixtape aussi (il est présent sur presque toutes les plages), et Alley Boy, le leader de la confrérie. Et ce sont avant tout les morceaux de ces derniers que l’on retient sur cette sortie, plutôt que tout le délire à la mords-moi-le-nœud autour, tous ces cris, coups de feu, bruits de fond, parasites radio, extraits de journaux télévisés, de films ou de discours politiques, et autres incongruités sonores, avec lesquels Schkla a voulu peaufiner son projet.
Le « Charles Whitman 1994 » haineux de Pesci, postillonné sur un piano entêtant, un « Kill Them All » aussi prenant, le « War » trépidant du même, de Scalez et d’Alley Boy, le passage d’anthologie de ce dernier sur ce long assemblage qu’est « Kill Radio Kill the Ride » (le titre avec Converge,The Dillinger Escape Plan et Johnny Cash, donc), l’enlevé « Flight 187 », sans omettre « I Loved You » avec ses chœurs évaporés et ses guitares abrasives : tous ces morceaux cartonnent. Les rappeurs s’y exposent toutes tripes et toutes viscères dehors, dans le plus pur style Duct Tape. Ce sont ces vrais titres de rap qui tapent, qui tachent et qui arrachent, ces MCs querelleurs et menaçants qui sont imparables, qui se suffisent à eux-mêmes, et qui se seraient finalement bien passés de tout le décorum conceptuel autour.