Une vapeur mauve flotte dans l’air. Arnold Fish débarque en ville, un album multicolore sous le bras. Un disque réalisé en solitaire (on n’est jamais si bien servi que par soi-même), et tombant en plein dans le grand chaudron du revival pop psyché qui touche avec bonheur la France en ce moment (Dorian Pimpernel, Odessey & Oracle, Forever Pavot, Julien Gasc…). Mais Arnold n’est pas né de la dernière pluie, et ne saurait en aucun cas être soupçonné de tenter de rattraper un train en marche. Membre des excellents Pink Nicotine et We Are Toxic, cela fait bientôt 20 ans que Fabien Versmessen (son vrai nom) porte fièrement les couleurs du psychédélisme dans nos belles contrées, traumatisé par des groupes comme Sagittarius, le Pink Floyd Barrettien et tout ce que le psychédélisme sixties compte de fulgurance.
Arnold Fish – In the Land of the Elephant Blues
Gorgé de trouvailles sonores et d’ambiances profondes et enveloppantes, « In the Land of the Elephant Blues » résonne comme un manifeste rétro-futuriste : harmonies vocales en escaliers, nappes de mellotron et giclées de guitare fuzz, basse rebondissante et cloches tintinnabulantes. L’album remplit la tête de couleurs. Très référencé (le titre à rallonge de l’album et sa signification indéterminée sont très évocateurs de ces albums de la côte ouest des Etats-Unis ayant fleuri vers les années 1967-68) et diablement bien produit, ce disque d’Arnold Fish fait suite à « Fuzzy Beats & Cheesy Tunes », excellent EP déjà réalisé en autarcie totale. Réaliser avec les moyens les plus modernes cette capsule sonique directement liée aux sonorités sixties constitue l’un des paradoxes les plus savoureux de cet album.
Les échos du « Smile » des Beach Boys (« the Boogeyman »), des Rolling Stones (« Santa Monica » résonne comme une prolongation de « Sympathy for the Devil », avec son solo incandescent et ses rythmiques vocales en provenance directe d’Amérique du Sud), voire de Gainsbourg (« A Beautiful Car Crash ») font de ce disque une plongée dans un âge d’or musical dont on n’a finalement jamais réussi à se défaire totalement, pour la simple raison que l’on a jamais fait mieux. Les ambiances acoustiques sont magnifiques (« Battle for the Crown »), tandis que « Ma Galaxie » n’est pas sans rappeler la tension électrique de Jimi Hendrix ou des premiers albums de Spooky Tooth.
Point final et pont d’orgue de l’album, le magnifique « The Golden Bell », qui résonne comme un départ vers les grands espaces (« I was born in the milky highway »). Le rêve de tout disque psychédélique de la grande époque. Même s’il glisse, au détour d’une phrase, un petit mot sur l’absence de sens des temps modernes (« So Long was the road to nowhere »).
Bienvenue au pays du blues de l’éléphant, animal réputé, comme chacun sait, pour son excellente mémoire.