Un nouvel album de Yo La Tengo, « groupe de proximité » (lire à ce sujet la chronique de « Popular Songs »), est toujours en soi une bonne nouvelle. Alors, un album de Yo La Tengo avec une pochette de Georgia Hubley, avec en plus le retour d’un ancien membre à la guitare et le tout pour un disque de reprises dans le genre du cultissime « Fakebook », ça devrait être le tiercé gagnant. Oui mais non et on est bien désolés. On l’a écouté et réécouté depuis cet été et s’il est très plaisant, il n’en est pas moins QUE plaisant. Et c’est un fan (lire la chronique de l’avant dernier « Fade ») ayant plusieurs fois parcouru des centaines de kilomètres, voire un bon millier parfois, pour aller entendre sur scène les hobokenistes qui l’écrit, la mort dans l’âme, pour citer Jean-Claude Camus de Camus & Camus Productions. Modulons : je n’ai jamais été grand fan de « Fakebook », pas écouté à l’époque, arrivé après la bataille, la messe déjà dite et le vin bu et rebu. Evidemment « Stuff Like That There » est… bien : choix de titres impeccable, relectures idoines. On trouve juste que le disque tourne un peu en rond dans le joli, qu’il est un peu uniforme avec ces belles couleurs pastel claires, son rythme de sieste ensoleillée, ses paroles (toujours) susurrées. Disons qu’on a le droit, cette fois-ci, qu’à un côté de Yo La Tengo : le côté tranquille pépère, plutôt acoustique ou du moins à faible volume et qu’il manque les effusions de guitares, les déchaînements rythmiques, les soli rageurs et longs de sales gosses boutonneux emportés par le plaisir de jouer ensemble et que, comme Yo La Tengo c’est l’ensemble de ces deux parties, « Stuff Like That There » nous semble donc très joli mais un peu boiteux, Byronesque disons. Ne boudons pas totalement l’affaire, YLT jouant toujours de tout sur disque comme sur scène, on apprécie de trouver ici de chouettes morceaux basse-batterie-guitare+une autre guitare. Et ça tricote sec avouons-le. Ça joue peut-être un peu trop le côté guitare claire+delay/reverb mais c’est de la chouette mise en couleurs bien fine. Et puis, il y a la manière. Les Yo La Tengo sont passés maîtres dans la relecture : évidemment dans les trucs faciles et presque attendus tel le Hank Williams « I’m so lonesome I could cry », ou le plus casse-gueule « Friday I’m in love » de The Cure qu’ on croirait écrit par Ira pour Georgia avec amour mais là où on les trouve toujours forts, bien que peu surprenants, tant on y est habitué par leurs concerts, c’est dans leurs propres réinterprétations comme « Deeper into Movies » (usine à gaz shoegaze de l’inusable « I Can hear the heart beat as one ») transformé en brouillard bleuté propice à profiter des fins de soirées sous la treille ou « The Ballad of Red Buckets » initialement sur l’énorme « Electr O Pura », alors orageuse et charbonneuse à souhait quand elle est, ici et maintenant, claire comme de l’eau de roche mais toujours divine, dans l’esprit de « And Then Nothing Turns Itself Inside Out », grand disque de sieste s’il en est.
Pour conclure sur le côté un peu soporifique de l’album, on citera Stravinsky qui répondait à un auditeur assoupi, et, on imagine, un poil bougon, pendant du Schubert : peu importe si je m’endors puisque je me réveille au paradis. Alors : chut, dormons !