ÉMILIE SIMON – Paris, Le Casino De Paris, 16/01/2010
Avec "The Big machine" paru en septembre dernier, Émilie Simon a sorti son meilleur album, et accessoirement un disque qui la révèle comme mélodiste de premier plan dans sa génération, tous sexes confondus. En assumant une production à la fois riche et rentre-dedans (finies les chochotteries rythmiques élaborées sur laptop), il semble que son écriture se soit libérée. Sa voix également, qu’on n’aurait pas jusqu’alors soupçonnée capable de telles envolées, de telles modulations, certes très inspirées de Kate Bush, mais pour le meilleur : de pures chansons pop, à la fois directes et sophistiquées, qu’on ne cesse de découvrir au fil des écoutes.
Le concert donné au Casino de Paris ce samedi 16 janvier était à l’image de ce nouvel album : à la fois sobre et sophistiqué. Sobre car Émilie n’est secondée cette fois que par deux musiciens, batteur et bassiste (plus quelques discrètes programmations). Sophistiqué grâce au look de la chanteuse, sorte de Reine Margot new wave, et par l’entremise d’un jeu de lumières très au point, qui donne au spectateur l’impression de voir la jeune femme évoluer aux commandes d’un vaisseau futuriste. Plantée derrière un large synthétiseur, elle n’en bougera que peu, actionnant de temps à autre les commandes de son fameux bras multi-effets. À part ça, pas de surcharge technologique inutile, les chansons se suffisent à elles-mêmes et sont désormais portées par une voix claire et puissante, remarquablement maîtrisée. Du fait même de cette maîtrise on aurait pu craindre une certaine froideur mais il n’en est rien, grâce au parti-pris réductiviste de l’instrumentation : les chansons tiennent à l’énergie, sur un équilibre basse/batterie/claviers très intelligemment assumé et tenu ; le batteur en particulier s’avère remarquable, déployant un jeu à la fois direct et tout en cassures, très élégant, bref, évitant constamment l’ornière du batteur de rock binaire et bourrin. Les quelques rares extraits des albums précédents sont revus à la lumière de cette approche quasi spartiate, le reste du concert étant constitué essentiellement, et c’est là la bonne idée, de chansons du dernier album, conçu pour le live et joué en intégralité ce soir-là. De fait on en aurait voulu à Émilie Simon d’oublier tel ou tel titre de "The Big Machine", tant l’album est dépourvu de faiblesses. Certains titres sortent inévitablement du lot, tel l’évident tube "The Cycle", mais aussi les moins attendus "Chinatown" et ses aigus tourneboulants, "Ballad of the Big Machine", magnifiquement chantée ce soir, ou "This Is Your World", longtemps attendu par moi et qui vient clore le rappel à la perfection. Parmi les anciens titres on citera "To the Dancers in the Rain" dont les paroles résonnent soudain de façon troublante ("My lover is gone/but I’m not on my own/With all these little kisses of you") lorsque l’on sait que le compagnon de la chanteuse est tragiquement décédé de la grippe A en septembre dernier. Le concert tenait tout entier dans le paradoxe de cet hommage subliminal : extraverti mais pudique, rigoriste mais généreux, flamboyant mais discret.
Mikaël Dion
Photo : © Rod – Le HibOO
The Devil at My Door
Dreamland
Fools Like Us
Nothing to Do With You
Opium
Fleur de Saison
Chinatown
Flowers
To the Dancers in the Rain
The Way I See You
Closer
The Cycle
The Storm Rainbow
Ballad of the Big Machine
Rappel :
Desert
Lise
Rocket to the Moon
This is Your World
A lire également, sur Émilie Simon :
la chronique de « Émilie Simon » (2003)