En fidèle de ce bel équipement qu’est le Rocher de Palmer, le label bordelais Talitres y installait sa nouvelle soirée Talitres, avec un seul de leurs groupes au programme, les Estoniens de Ewert and the Two Dragons pour leur première fois dans ce coin du Sud-Ouest, qui recevaient le soutien de Arch Woodmann, projet pop qui s’apprête à lancer son nouvel EP dans la nature.
L’histoire ne dit pas si les militants réunis une heure avant pour le meeting de celui qui est arrivé en tête au premier tour ont franchi le pas et prolongé leur soirée dans la salle obscure. En tout cas, il y a du monde. Et sur scène, Arch Woodmann est un quatuor, où tout le monde a le même temps de parole.. euh, est sur la même ligne. Et ça envoie. Passez-moi l’expression triviale, mais la musique de ce groupe (seul Antoine au chant/batterie est un local, d’adoption) détonne dans le paysage français : il y a du nerf, il y a des coups de sang, et il y a des chansons, fines et fortes à la fois. Dit comme ça, on dirait une pub pour de la moutarde, OK, mais assurément, la sauce est relevée et fouette les sangs. Chaque chanson est accélérée, et les quelques titres de l’EP que l’on entend (« What Did You See », « That Summer », en tout point délicieuse, « Speed and Metal ») confortent dans le potentiel du groupe, son énergie renversante (allez, un regret : il manquait la trompette pour que ce soit parfait). Et sa bonne humeur, qui achève de rendre la prestation remarquable.
Ewert and the Two Dragons ne véhicule pas la même chose sur scène. Mais à leur façon, discrète mais pourtant énergique, ils ont conquis la salle. L’album était plein de pépites d’une pop-folk jamais niaise, toujours soyeuse même dans ses moments les plus vibrants. De « (In the End) There’s Only Love » et « Good Man Down » pour rentrer dans l’univers d’un groupe, on peu difficilement faire mieux, du coup, la salle (encore plus remplie) est attentive et visiblement conquise, si l’on en juge à l’ampleur des applaudissements qui surviennent après chaque morceau. Et je me joins à cette écoute respectueuse : c’est beau, c’est très beau, c’est même d’une élégance jamais prise à défaut, que l’on reste sur le dernier album ou que l’on aille vers des morceaux nouveaux (« Stranger », magnifique !) ou plus anciens – enfin je pense, ne connaissant pas la discographie du groupe par coeur… – comme « Pastorale ». Avec une formation somme toute classique, une économie d’instruments (guitares et cie, mais aussi un glockenspiel utilisé à très bon escient) qui rend lisibles les belles mélodies, Ewert and the Two Dragons marque les esprits. Le groupe est souriant quand il quitte la scène, il revient pour un beau rappel (« Jolene » et « You Had Me at Hello »), s’en va avec le sourire, et le public aussi. Merci Talitres, merci Ewert and the Two Dragons.