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DiversInterviews

Un tour en ville #9

Les indépendants face à la pandémie

Dans le domaine de la culture, au sens large, le couvre-feu puis le confinement ont compromis bon nombre de spectacles et de publications. Jusqu’à poser la question de la pérennité de certains lieux de diffusion, de quelques structures indépendantes et de projets artistiques. Dans les grandes villes, au ralenti, nous interrogeons musiciens, acteurs des sphères indés et autres pour prendre le pouls de la cité. Malgré le marasme, l’espoir demeure et des initiatives se font jour… qu’il est urgent de soutenir.

Paris

Sing Sing, chanteur et guitariste d’Arlt. Dernier album paru : “Soleil enculé” (Objet disque/Murailles Music).

Comment c’était avant ? 
Eh bien, je ne me souviens presque déjà plus d’avant. En dehors du premier confinement, je n’ai passé que peu de temps à Paris. Avec Arlt, on travaille en général ailleurs (notamment en Auvergne où vit Eloïse depuis quelque chose comme trois ans) et je rends visite à mes amis Eric Chenaux en Corrèze ou Borja Flames, Marion Cousin, Jean-Daniel Botta en Bourgogne aussi souvent que possible. Ce sont des gens avec qui je passais pas mal de temps à Paris avant qu’ils quittent la ville et on se voyait dans les mêmes bars, autour du même local de répétition à Belleville, on allait voir les mêmes concerts (aux Instants Chavirés, à Petit Bain, ou à l’Olympic Café, sans oublier les merveilleux Ali-Fib gigs naguère organisés par Maxime Guitton à l’Espace en cours).
Depuis quelques années je ne raisonne plus tellement en terme de scène locale parisienne puisque  les artistes qui m’intéressent le plus en France  (le groupe Bégayer, le collectif La Novià, Sourdure, les copains du Saule dans leur majorité) sont pour la plupart basés un peu partout ailleurs. Bien sûr, parmi les copains il reste ici Chevalrex, Thousand, Bertrand Belin, il faudrait leur demander leur avis [pour Chevalrex, ce sera publié prochainement, NDLR].  Et puis la vie d’un musicien (quand il n’en est pas empêché) se passe beaucoup en tournée plutôt qu’à écumer les salles parisiennes, j’ai l’impression. Ainsi je connais presque mieux les nombreuses associations qui partout en région, comme on dit maintenant, organisaient depuis déjà longtemps des concerts, qui dans un ancien presbytère, qui dans une clairière, qui dans une grange, pour des jauges déjà réduites, que ce qui se tramait exactement à la capitale, hors ce que j’ai évoqué.

Quelle est la situation de la ville aujourd’hui ?
J’ai bien vu des jeunes gens se démener et donner d’eux pour organiser des belles choses au Zorba, au Café de Paris ou à l’Espace B, mais je ne sais pas où ils en sont depuis le début de la crise.  Entre les deux confinements, j’ai eu l’impression que l’équipe de Petit Bain se donnait du mal aussi pour faire vivre quelque chose malgré les contraintes. Les Instants chavirés ont programmé hors les murs, à La Marbrerie notamment, et continuent je crois d’accueillir des artistes en « résidence » en attendant des jours plus favorables. Je ne vois pas vraiment ce qui se passe en ce moment même d’où je vous écris, ni ne sais comment ça se passe pour les disquaires comme Le Souffle continu, Pop Culture Shop, ou Balades sonores.

As-tu des motifs d’espoir ?
J’ai vu beaucoup d’artistes, de programmateurs, de tourneurs avancer dans le noir complet entre les deux grand éteignoirs, essayer d’inventer des formes et d’imaginer des possibles entre les deux confinements. L’annonce du couvre-feu puis de ce second arrêt massif a été un vrai coup dur pour le milieu de la musique : je n’apprends rien à personne en disant que beaucoup de choses ont dû être annulées, et parmi elles pas mal de dates qui étaient déjà elles-mêmes des dates reportées. Tout cela épuise pas mal les gens qui travaillent chaque jour à nourrir un peu le feu, la vie, la joie, malgré les doutes et malgré les incertitudes, et j’espère que ça ne suffira pas à leur faire baisser les bras. Mais j’ai bon espoir de voir de belles idées prendre forme d’ici quelques mois. Il est à prévoir que ce soit un peu duraille économiquement. Nous verrons. Je ne suis pas sûr de croire en un retour à la dite « normale » mais je ne sais pas si la dite « normale » était si réjouissante que ça.  Il faudra changer des choses dans nos habitudes (d’artistes, de programmateurs peut-être aussi d’auditeurs et spectateurs) Parfois peut-être pour le mieux, qui sait ? Nous avons tous de nombreuses questions à nous poser mais il est trop tôt pour que je me risque à les formuler ici.

Et tes projets du moment ?
Eh bien, nous nous sommes pris pas mal de concerts dans l’os, comme tout le monde.  Eloïse et moi avons profité de l’été et de septembre pour commencer à travailler à de nouvelles chansons, en duo strict pour l’instant. Etre confinés chacun de son côté n’aide pas franchement à avancer ensemble comme nous l’avions imaginé et espéré. Mais nous travaillons, nous écrivons, nous nous envoyons des bouts de musique. Un nouveau répertoire prend forme (que nous avons d’ailleurs commencé à étrenner sur scène avant le grand couperet que vous savez), conçu dans des conditions inhabituelles pour nous, et ce que nous voyons poindre nous étonne, nous réjouit, nous ouvre l’appétit.

Photo : Cédric Rouquette.

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