Trois ans après le réussi “Rock’n’roll Consciousness”, Thurston Moore, ex-guitariste de feu Sonic Youth, revient avec un sixième album solo. Perché, exigeant mais passionnant, “By the Fire” a le mérite de dérouter… quitte à nous perdre en chemin.
Décidément inclassable. Depuis toujours, Thurston Moore a l’art et la manière de dérouter. Par son besoin de ne jamais suivre les règles, ni la mode. La preuve, une fois encore, avec son nouvel opus : pas loin de 1h20 et quatre pistes de plus de 11 minutes, comme une façon de dire « fuck » à la génération zapping. Pourtant, on ne peut pas dire que cela nous étonne. Chez Sonic Youth, avec d’autres groupes (Chelsea Light Moving, etc.) ou en solo, Thurston Moore a toujours porté la radicalité en étendard. Quitte à lui reprocher (ou à ses acolytes de la jeunesse sonique) son côté un peu « arty ».
Dès les premiers titres, pas de doute, nous sommes bien dans l’univers Sonic, si cher à Thurston Moore. Une guitare fuzz, des riffs secs, courts et rapides, quelques notes désaccordées cherchées en bas (ou tout en haut) du manche, la batterie très efficace du fidèle Steve Shelley, l’introductif “Hashish” est dans la lignée des Goo, Dirty ou Daydream Nation, albums cultes de Sonic Youth. Puis “Cantaloupe”, avec sa guitare métal presque surannée et son solo, nous ramène quelques années en arrière, sans jamais sentir le renfermé.
La très bonne entrée en matière de l’album se poursuit sur “Breath”. Avec son intro à rallonge très mogwaïenne, Shelley au galop derrière les fûts, du noise et des larsens pour finir, c’est un vrai concentré de Sonic Youth. Dans la foulée, “Siren” ne nous lâche pas malgré ses 12 minutes.
Mais l’expérience By the Fire devient exigeante sur “Locomotives”. Comme lors de ses prestations au Louvre en compagnie de Stephen O’Malley de Sunn O))) il y a quelques années, Thurston Moore réalise une sorte de performance sonore (17 minutes !) qui malheureusement ne nous soulève plus comme du temps des concerts de Sonic Youth. Mais bizarrement, il est rassurant de savoir que cette grande tige à la bonhomie communicative est toujours capable de construire ces murs du son. Monsieur Bricolage (Thurston Moore a souvent remplacé son médiator par un marteau, une lime ou une perceuse) est de retour, et les larsens aussi ! L’expérience se répète sur le final “Venus” : 14 minutes folles d’une musique angoissante qui cisaille les tripes et les oreilles chastes.
Enregistré en compagnie de Debbie Googe (My Bloody Valentine), By the Fire a les défauts de ses qualités : déroutant mais indispensable car loin des standards. Thurston Moore ne vieillit pas et reste à l’avant-garde. Décidément inclassable.