En une quinzaine de minutes, l’émission “Rien à dire” met en lumière trois titres coup de cœur ou curiosités de la galaxie pop. Le format inventé par Thomas Sinier alias Jon Smith se distingue par un propos farouchement personnel et subjectif. Ou comment parler de soi à travers une sélection de chansons et inversement. En outre, “Rien à dire”, souvent à contre-courant de l’actualité, a l’art de la question pointue. Exemple : pourquoi Mathieu Boogaerts n’a pas terminé la batterie sur le morceau “Pardonne” en
2005 ? La réponse de l’intéressé est éloquente. Découverte, redécouverte et initiation récréative à l’analyse musicale de la sphère pop indépendante, Jon Smith a trouvé la bonne tonalité.
Est-ce que des émissions ou des podcasts ont pu être des modèles pour toi ?
Jon Smith : Pour être très franc, pas vraiment. J’écoute beaucoup de musique tout au long de la journée et j’avais envie, tout simplement, de partager les émotions que cela me fait vivre. Ce qui n’est pas toujours évident lors d’une discussion entre amis. L’idée de l’émission, c’était donc de partager des morceaux, et de les relier à des moments que j’ai vécu, grâce, ou en parallèle, à ces titres. S’attarder sur un petit détail, plutôt que se lancer dans de grandes intentions. J’aime beaucoup ce que fait Michka Assayas sur France Inter pour le coté « savoir » avec un grand « S ». Ou ce que proposait sur Inter aussi André Manoukian, quand il décortiquait certains morceaux du point de vue de la partition. Moi, justement, je voulais m’éloigner du côté, « Je sais, et je vais vous expliquer ». Rester sur des intuitions, des émotions, des interprétations… Proposer simplement des choses que j’ai trouvé belles et qui m’ont accompagnées à un moment précis.

Autoportrait de Jon Smith.
Par quels moyens fais-tu des découvertes musicales ?
J. S. : J’ai plusieurs sources d’approvisionnement pour écouter des nouveautés. En premier lieu, le bouche à oreille. J’ai pas mal d’amis proches qui écoutent beaucoup de choses, des musiciens, des programmateurs, des passionnés, tout simplement. On discute, on échange sur le mode « Tu connais ceci ? », « Tu devrais écouter cela… » etc. Quelques playlists en ligne, aussi, notamment celle de Magic RPM. La playlist mensuelle de radio Campus Bordeaux, dont je n’aime jamais tout, mais toujours deux ou trois découvertes.
Il faut aussi avouer que les suggestions algorythmiques de Spotify tapent souvent dans le mille. C’est sûrement un peu dommage de confier son bon goût à une intelligence artificielle, je l’admets, mais il y a plein de choses que je n’aurai jamais découvertes sans ça, notamment toute une scène pop francophone canadienne.
Quels chanteurs ou groupes t’ont enthousiasmé ces dernières années ?
J. S. : Ces dernières années, mon gros coup de cœur c’est indiscutablement Institut, qui m’a tout de suite épaté sur le fond comme sur la forme. L’album “Le Tunnel végétal” de Thousand, complètement dingue… Bruit noir, que j’ai découvert suite à l’arrivée de Pascal Bouaziz à Bordeaux. C’est vrai qu’avec l’âge j’écoute de plus en plus de choses en français, les mots prennent plus d’importance à mes yeux. Je citerais aussi Gaëtan Nonchalant, Nicolas Michaux, Julien Gasc… il y a vraiment beaucoup de choses à écouter !
Pourquoi ton émission s’appelle « Rien à dire » ?
J. S. : J’ai bien envie de répondre « pour rien » et de mettre un petit smiley derrière… Pour développer un peu, je trouvais que le titre “Rien à dire” collait bien avec le propos de l’émission, qui est de passer par l’anecdote plutôt que par le grand savoir. J’insiste là-dessus, le but est vraiment de prendre un peu de plaisir, sans aucune érudition, avec aussi un petit droit à l’erreur, à l’approximation, à l’avis tout à fait contestable… Je n’ai pas, par rapport à certains amis, une connaissance encyclopédique de la pop, et mon but n’est absolument pas de faire étalage d’un « bon goût » supposé…
Peux-tu nous révéler quelques interviews à venir dans l’émission ?
J. S. : Il y aura du beau monde dans les prochains numéros… Après Bruit Noir (émission du 8 mars, NDLR), Jokari, un groupe toulousain absolument délicieux (le 15) et Manuel Bienvenu (le 22). Tout cela est déjà enregistré et prêt à être diffusé. A suivre : Nicolas Falez, pour nous parler de Superflu et de Signal Faible. Et bien d’autres idées, mais les artistes ne sont pas toujours faciles à capter, hélas…
J’essaie toujours d’avoir des bouts d’interviews « anglés », axés sur un petit détail, quelque chose qui m’a étonné. J’ai adoré la petite intervention de Mathieu Boogaerts, pour parler d’une seule mesure d’un morceau qui date de 20 ans ! Ou l’interview de Gilbert Lafaille à propos de son morceau “Kaléidoscope”, dont je pressentais, à juste titre, qu’il avait été produit différemment du reste du disque. J’envisage chaque numéro comme intemporel ; on ne va pas dire « Vous êtes en concert samedi prochain à tel endroit ». L’idée est que l’on puisse écouter les épisodes quand on veut, dans l’ordre ou non, comme on le souhaite. C’est pour ça que j’aime bien que mes interviews concernent un point très précis.
“Rien à dire”, le samedi à 12h sur Radio Campus Bordeaux (88.1 FM).
A écouter également ici ou là.