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Disques

Wilco – Hot Sun Cool Shroud

Wilco en mode mini se presse le citron pour nous tirer le suc le plus doux et acide de ses trente ans de carrière. Un EP sec et serré qui fait l’unanimité, avec raison.

D’abord un rappel rapide sur les conditions d’élaboration de ce mini-album, disponible seulement maintenant, après des mois d’attente. Wilco décide pour marquer le coup de son festival Solid Sound à Chicago de sortir un EP rempli de rebuts de “Cousin”(2023), enregistrés avec Cate Le Bon, retravaillés pour l’occasion. Cerise sur le gâteau, les festivaliers pouvaient customiser leur exemplaire avec des autocollants et tampons fournis par les Gentils Organisateurs (notamment des autocollants des fruits pourris-bijoux de Kathleen Ryan, œuvres d’art du nom de Bad Fruits). Supplément de crème : la meilleure pochette customisée serait choisie pour devenir celle du produit commercialisé.

Tout cela est bel et bon mais sent un peu le fruit gâté laissé dans le compotier et, si on est plutôt friands de ce genre de choses (on n’aime pas gâcher…), on les préfère enrobées dans un coffret réédition ou bonus de luxe (gogo un jour…), pain perdu du discophile dégénéré. Tiens d’ailleurs, voilà un coffret ultime de “A Ghost Is Born” : 9 CDs boxset !!!

Et ajoutons, pour la petite histoire, que l’objet présent sur les stands de merch’ dès l’été 2024 et sorti officiellement en juin 2024 n’est finalement disponible pour la multitude que maintenant. Mais on est habitués… Là où on est surpris, en revanche, c’est que cet EP tient totalement la route et s’appréhende même comme un condensé des différents visages qu’a pris Wilco au cours de sa désormais longue et prolifique carrière.

Hot Sun s’impose comme le single absolu de Wilco, du moins depuis vingt ans, et retrouve même la magie de “A Ghost Is Born” (2004) avec un air de Spiders (Kidsmoke) (et, à  propos, qui se dit apropå en suédois : le tote bag de Spiders(Kidsmoke) est formidable). Cavalcade en règle avec un Kotchke démentiel aux percussions, une efficacité absolue de la mélodie, des cordes vaporeuses et, au milieu, une déchirure au cutter, sale et puissante avec un duel de guitares punk merveilleuses sur lit de larsen. On subodore un rajout de postproduction sur un (très) bon titre qui le transcende totalement et on constate une fois de plus qu’outre l’excellence de Wilco à pondre encore et toujours des morceaux merveilleux, ils restent de fantastiques magiciens de studio. One shot heureux ?

Non car Livid Suit est un peu sur le même modèle, un instru furieux, véloce et plein de matières. Tout est dans la rapidité et la condensation : un espresso du  Wilco de malade qu’on aime tant. Après une explosion de percussions qui clôt le titre du groupe, un extrait de dance foireuse dans le lointain du mix ferme la piste. Efficace comme un coup de boule.

Après la baston, les douceurs avec Ice Cream. Tweedy en père tranquille, nounours folk lumineux. On note beaucoup d’espace dans la production, de chouettes ballais sur batterie. Relâche après la tension : Wilco, c’est Hitchcock.

On continue le voyage dans le catalogue avec Annihilation qui a un air de “The Whole Love”(2011),  plus précisément Born Alone. Enfin ces guitares twang qui viennent parasiter un ensemble déjà criard rayons six-cordes et qui doivent autant à Neil Young qu’aux musiques les plus expérimentales. Comme Hot Sun, c’est un titre qui gagnera à être vu sur scène même s’il est déjà hautement apprécié sur disque.

Restons dans le bancal, le tordu, avec l’instrumental Inside Bell Bones qui rappellera aux meilleurs d’entre nous les régalades de Loose Fur, lorsque Jim O’Rourke introduisait Glenn Kotchke à Jeff Tweedy et tirait ce dernier vers son côté le plus aventureux tant à la guitare que dans l’écriture, vraiment échevelée, libre, hors de tout canon pop. Merveille de production bizarre, de duel guitare/percussions. Une miniature qui rappelle, au besoin, que Wilco pratique le grand écart.

Enfin Say You Love Me fait la part belle à l’écriture lennonienne de Tweedy tant dans les voix, les chœurs, la batterie et même les cordes (ici un violon). Ces gars-là savent tout faire. Y compris nous surprendre encore après trente ans.

On se prend même à suspecter que ces rebuts ne le sont aucunement et que des spins doctors de management ont orchestré cette sortie, tout sauf anecdotique, pour les trente ans du groupe…

Au niveau de l’écriture, Tweedy semble être en apesanteur, en pilotage automatique, bienheureux sous le soleil :

« Hey hey

Hot sun

I can hear it

Hot Sun

What’s the word I want ?

(…)

Ice

Glassy Ice

Tumble in my plastic glass

Shouldn’t I be doing something

What can I do »

(Hot Sun Cool Shroud)

Il nous refait le coup du père Castor flemmard (écho diffracté du papa poule devant le lave-linge dans Hate it Here sur “Sky Blue Sky” (2007)). Admettons que c’est un des meilleurs titres, ode au soleil et à la flemmardise, instant magnifié du rien dans l’abouti de l’écriture.

Tweedy fond au soleil, fond d’amour, c’est entendu, et la métaphore glisse d’un titre à l’autre.

« When I first saw you

You said That I was cool

Enough to be

Ice Cream

You melted me 

On the floor

I almost died

I cried for more »

(Ice Cream)

Alors évidemment, comme pour tant d’autres, on préfère les déchirés, l’écriture des êtres brisés et perclus mais Tweedy chante tellement bien l’amour qui dure, et c’est aussi le cœur et le core de Wilco.

« A kiss 

Like this

Is 

Endless tonight

This kind of annihilation

Is alright »

(Annihilation)

Réaction nucléaire, explosion/destruction, phénoménologie et sentiment, Jesus et caetera :

« Once you’re born

A single drop of sun

A ray of light

Holds you in its arms

Once you’re gone

You shine on

In your friends

And then

Everyone you love

Hears your voice within »

(Say You Love Me)

Là non plus, l’auditeur fan de Wilco n’est pas dépaysé (au hasard, Warm, le titre). You were right about the stars. Each one is a setting sun, comme il disait aussi.

Le soleil de Wilco, lui, n’est pas près de se coucher. Et on vous recommande, une fois de plus, cette petite merveille, douce et acide, citrons et licornes du meilleur groupe du monde.

Avec l’aide de Johanna D., crème glacée.

Hot Sun Cool Shroud” est sorti le 24 juin 2024 (hem…) en numérique (OK), EP (un peu plus tard mais pas trop trop… ;).

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