On continue à remonter le temps avec Xavier Boyer et on s’arrête sur le disque qu’il considère comme « le plus original » du groupe rouennais. Expérimentations à la lisière de la nouvelle soul et du hip-hop, morceau d’une minute et demie ajouté lors du mixage à Hollywood, Snoop Dogg qui traîne dans les parages et effet “Fifa 07” : avec “Fosbury”, Tahiti 80 s’extrait du carcan “indie” et s’ouvre au monde.
« On sort de “Wallpaper for the Soul”, un disque plutôt ambitieux, fait avec un budget confortable, et on dit à notre label Atmosphériques que cette fois-ci ce n’est pas la peine de nous envoyer à New York, à Malmö, à Portland… Qu’on a envie de produire le disque nous-mêmes et qu’on a juste besoin d’un peu d’argent pour acheter du matériel. Donc, le budget d’enregistrement se retrouve transformé en achat de matériel. On monte aussi une société, on franchit une étape, on se structure. On commence à avoir de vrais outils de production, un studio.
“Wallpaper for the Soul” était très écrit, on savait absolument ce qu’on voulait faire en studio. Là, on dit aux gens du label qu’on va expérimenter, et ils ne prennent pas peur. Alors que généralement, quand on groupe décide ça, c’est parti pour trois ans… de rien !
C’est une période où on s’éloigne peut-être du côté très indie. A titre personnel, ça me parle de moins en moins. Je n’aimais pas trop les Strokes, les White Stripes, j’avais l’impression d’avoir fait un peu le tour de tout ça, et je me reconnaissais beaucoup plus dans des choses qui n’étaient peut-être pas du pur hip-hop mais qui s’en approchaient, comme N*E*R*D, OutKast… La musique brésilienne, aussi, et toute la soul. C’est une dimension qui était déjà présente sur “Heartbeat” ou “1000 Times”, et on a décidé de l’explorer davantage. L’idée était d’utiliser ce type de groove en le mariant à nos mélodies. Le résultat est un disque un peu plus urbain, plus orienté soul et black music que les précédents.
On l’a enregistré à Rouen, dans notre nouveau studio. Il y avait parfois des coupures de courant… Le retour de notre label était positif, mais ils pensaient qu’on avait besoin de quelqu’un pour nous aider à finir. On a donc été chercher Neil Pogue, qui avait mixé OutKast, notamment leur gros tube “Hey Ya!”, TLC… Il était habitué à de très grands studios avec d’énormes tables de mixage, et là il s’est retrouvé quinze jours dans la cave du Tahiti Lab, avec tous nos flightcases, nos affaires. Pas un endroit parfaitement designé comme le studio de Soulwax, quelque chose de plus rustique… Mais on a très bien accroché. Au fond, il est validé notre orientation soul et nous a même aidés à aller un peu plus loin. On a fini le disque avec lui. J’ai un souvenir génial des prises de voix du morceau “Matter of Time”, sur lesquelles on a bossé toute la nuit. A 6 heures du matin, le taxi est venu le chercher pour l’emmener à l’aéroport Charles-de-Gaulle car il devait repartir.
On est ensuite allé à Los Angeles pour mixer aux Larrabie North Studios. Le fameux Snoop Dogg, d’avant les Jeux olympiques, était dans les parages, on était averti de sa présence car ça sentait la beuh partout. Alors qu’on était un train de mixer, on s’est dit qu’il manquait un petit morceau. Il y avait une guitare dans un coin et je me suis mis à jouer en acoustique une chanson très courte, d’une minute trente, “Take Me Back”. A côté, il y avait une session pour un disque de rap avec des basses incroyables, et à un moment le mur du studio s’est mis à vibrer et ça m’a fait un peu rigoler. Je crois même que ça s’entend sur l’enregistrement, que je pensais inutilisable et qu’on a finalement gardé, comme un accident heureux
Des choses se mettent en place avec ce disque, on assume un peu plus les fonctions de production, mais on s’associe quand même avec quelqu’un capable de nous apporter un savoir-faire qu’on n’a pas. C’est un album assez expérimental : on se disait qu’on allait écrire quelque singles et, pour le reste, partir à l’aventure pour voir où ça nous mènerait. Ça donne des morceaux assez particuliers comme “Empty and Amused” [le dernier de l’album à l’origine, suivi de deux titres bonus dans la version en écoute ci-dessous dont une étonnante relecture downtempo du sublime “Fallen Down” d’Epic Soundtracks, NDLR]. Il y a sûrement un peu de naïveté dans tout ça : on adorait Curtis Mayfield on se disait qu’on allait intégrer cette dimension dans notre monde à nous. Au fond, c’est peut-être le disque le plus original qu’on ait fait, et en même temps il a plutôt bien marché, porté par le single “Big Day”. Beaucoup de gens nous ont connu à cette époque parce que ce morceau était dans le jeu vidéo “Fifa 07” !
Déjà publiés :
“Activity Center”
“The Past, The Present & the Possible”
“Ballroom”
”The Sunshine Beat Vol. 1”
“Here With You”
“Hello Hello”