Troisième épisode de notre série où Xavier Boyer revisite la discographie de Tahiti 80, avec le “disque au kiwi”.
« Le graphisme est signé Maxime Prieux, du collectif rouennais Phntm. Les Stones Roses ayant déjà utilisé des rondelles de citron pour la pochette de leur premier album, on a opté pour le kiwi. Il y a d’ailleurs une édition vinyle où le disque lui-même ressemble à une rondelle de kiwi. C’est un album un peu particulier car on a commencé à travailler à trois sur les morceaux, Pedro, Médéric et moi. Raphaël [Léger, batteur] joue bien sûr dessus mais il n’a pas participé à sa conception car il était occupé par d’autres choses à ce moment-là.
J’ai pensé à Andy Chase pour enregistrer les voix parce que c’est quelqu’un de très exigeant. Il fait beaucoup de prises et ensuite il “compile” les meilleurs moments, mais ce ne sont pas forcément ceux que j’aurais choisis moi. Il arrive ainsi à créer une autre émotion que celle que j’avais envisagée au départ, et c’est sans doute mieux tout en restant parfaitement en phase avec notre style. Donc on l’appelle et on lui propose de venir enregistrer les voix, mais il nous dit : “vous savez que si je viens, je ne vais pas pouvoir me contenter de ça…”
Et effectivement, il se mettait derrière l’ordinateur et commençait à tout trifouiller. On avait prévu de faire une seule session, finalement on en a fait trois, dans nos nouveaux studios à Rouen, avec une cabine, qui représentait un net progrès par rapport à la cave qu’on avait avant. Andy venait tous les mois et demi environ et entre-temps le disque restait en stand-by. C’était un process un peu frustrant, on aurait aimé que ça aille un peu plus vite, mais bon, on avait fait le choix de travailler avec lui et il nous a beaucoup aidés sur cet album-là. Il nous a fait ça presque gratuitement, on le défrayait juste et ça lui donnait l’occasion de venir en France.
Le morceau “Hurts” a été mis en avant. Il n’est pas sorti en single mais un clip a été tourné en Thaïlande, qui a fait environ 3 millions de vues. En termes de popularité, on n’est pas très loin des scores de “Heartbeat” ou d’autres titres anciens du groupe. Pourtant, on n’était pas sûr de le mettre sur l’album au départ. Je me souviens que je partageais un appart avec les autres à Rouen car je n’avais plus d’attaches là-bas, on était avec Andy qui venait d’arriver et qui nous a demandé de lui faire écouter des démos. “Hurts” me semblait un peu à part, je lui ai dit que je n’étais pas sûr que ça colle avec le reste mais lui trouvait le morceau génial. On l’a donc gardé et il a fait un gros travail de mise en forme.
Souvent, dans les documentaires sur les groupes, il y a ce moment où les musiciens improvisent un truc à la dernière minute en studio, et finalement ça devient un tube. C’est un peu ce qui s’est passé pour nous, à notre échelle !
Même si nous aurions sans doute pu faire ce disque sans Andy, et que nous l’avons coproduit avec lui, nous étions quand même très heureux de l’avoir à nos côtés. Des groupes prennent un producteur pour éviter de se frapper… Bon, ça ne nous est jamais arrivés mais c’est bien d’avoir quelqu’un qui puisse trancher ! »