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Disques

Orwell – Simple Minded

Heureux les simples d’esprit, les portes du royaume de la reprise pop leur sont ouvertes : Orwell réinvente avec classe et intelligence six morceaux du Simple Minds d’avant le succès de masse.

Notre esthète pop précieux, Jérôme Didelot, a t-il perdu la tête avec ce projet de reprises de Simple Minds circa 81-83 (de “Sons and Fascination” à “Sparkle in the Rain”) ? Malgré toutes les préventions prises lors de l’envoi, c’est avec une vraie envie de (re)découverte qu’on se jette sur ce nouveau projet.

Avoir revu “Breakfast Club” récemment à la Cinémathèque donne en effet envie de réévaluer tout cet héritage, faussement honteux, de la culture pour adolescents acnéiques des pays riches. Oui, “Breakfast Club” est un film magnifique sur l’adolescence plutôt que pour l’adolescence, avec cette étude de rôles auxquels la jeunesse occidentale est obligée de s’assigner (ainsi qu’à son futur… avec les rôles des parents-employés endossés par les ex-adolescents). C’est aussi, et surtout, un grand film sur l’ennui, passage obligé de l’adolescence, et qui annonce, comme tous les films de ce genre à la même époque, la revanche des nerds… Et, bien sûr, il y a le tube de Simple Minds, “Don’t you (Forget About Me)”, qui vient parachever l’affaire.

Ayant donc revu à la hausse le legs du film de John Hughes, au-delà de la nostalgie, Jérôme nous propose de faire pareil avec la première période de Simple Minds, suite à la lecture visiblement gratifiante de “Themes for Great Cities” de Graeme Thomson, une biographie qui revient justement sur les débuts du groupe, avant le succès international.

Nostalgie toujours, les archives de ce site permettent de se plonger dans la discographie pléthorique d’Orwell et de découvrir qu’en l’an de grâce 2002, Jérôme confessait, déjà !, ses amours passionnées pour le Simple Minds « d’avant 1984 ».

Les reprises nous invitent par un jeu de reconnaissance/distanciation à nous poser, enfin, après toutes ces années !, la question des paroles de Simple Minds. Et c’est une vraie découverte. Que ce soit le namedropping so 80’s de “Up on the Catwalk” qui prend ici des teintes passées :

« Up on the catwalk there’s street politicians
That crawl in from Broadway, say then who are you
And up on the catwalk there’s one thousand postcards
From Montevideo, say that I’ll be home soon
Get out of Bombay and go up to Brixton And look around, to see just what is 
missing
And up on the catwalk, girls call for mother and dream of their boyfriends
And I don’t know why

(…)

One thousand names that spring up in my mind
Like Deodato, Michelangelo, Robert de Niro, so many others
Nastassja Kinski and Martin Luther – there’s room for others, away from me »

ou la réactualisation de “20th Century Promised Land” :

« Promised land
Great times in commotion
Here come every day
It only lasts an hour
Unhappy the land that has no heroes
No! Unhappy the land that needs heroes »

Redécouverte d’abord parce que Jérôme est un vrai diseur et nous donne vraiment le texte. On sent une attention particulière à nous le révéler, comme on révèle une passion, adolescente certes, mais mûrie par une longue fréquentation. On n’est absolument pas dans le lyrisme new wave clinquant mais dans une légèreté sotto voce, très orwellienne, tout à fait sympathique et engagée. Par moment (“Wonderful in Young Life”), la voix de Jérôme tente les grands écarts simplemindesques et malgré les risques, c’est réussi.

Le Simple Minds première époque, c’est une rythmique impressionnante (“Speed Your Love”), des claviers fous mais avec des guitares qui peuvent se révéler incendiaires (“Wonderful in Young Life”). Quelquefois basse, guitare et clavier aigrelet (“20th Century Promised Land”) rappellent le Costello des grandes heures (fin 70, début 80) mais en plus froid, époque oblige. 

Orwell prend donc la tangente en étant plus souple et plus organique avec contrebasse, flûte, cordes. En cela, il est plus Costello tardif.

“Up on the Catwalk” en version Orwell est beaucoup plus downtempo mais n’oublie pas la guitare brûlante. “Big Sleep”, tube cold au chant ô combien lyrique, devient pop légère sotto voce (encore une fois) et prend du relief en avançant.

On constate donc des écarts, mais aussi pas mal de tentatives de coller aux architectures, tout sauf anecdotiques. On réentend Simple Minds d’une toute autre façon, au-delà de l’usine à tubes : quelle batterie, quels océans furieux de claviers ! Et quels titres.

Encore une fois, Orwell prouve son talent de miniaturistes pop, de vrais coloristes avec toujours cet élan passionné à la pêche de ce quelque chose de mystérieux et qui remue tant.

Avec l’aide de Johanna D., neige de pellicules sur croquis.

Simple Minded” est sorti en vinyle et digital chez Europop 2000 le 25 octobre 2024.

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