La face cachée de l’astre Six Organs of Admittance révélée par le remix-recomposition de Twig Harper. Un album à part entière de psychédélisme punk electro. Une révélation.
Attention, ce remix de Six Organs of Admittance par Twig Harper n’est pas un album de Six Organs of Admittance. Il en est même très loin dans le son et pourtant il en est sans doute extrêmement proche dans l’esprit.
“Companion Rises (Twig Harper Remix)” est le disque de musique expérimentale que rêverait sans doute de faire Ben Chasny sans jamais oser mettre les doigts dans ce cambouis de machines-là. En cela, la démarche est tout à fait juste (le lâcher-prise) et… n’a strictement rien à voir. D’ailleurs on peut presque se poser la question de savoir si Twig Harper a utilisé ou non du matériel de Ben ou simplement s’est mis en condition en écoutant sa musique pour livrer sa version. Peut-être est-ce simplement la conjonction de deux cinglés vivant leur psychédélisme contemporain de manière différente.
Une fois débarrassé de cela, y compris et surtout, des attentes de vouloir chercher une trace sonore de “Companion Rises” de Six Organs of Admittance, on peut se laisser aller à l’écoute, réelle, du Twig Harper Remix. Précisons que “Companion Rises” était déjà un jalon assez barré dans le triturage sonore de Six Organs of Admittance mais il l’était encore dans un cadre assez simple, borné par les capacités et les envies de Chasny. C’était une ouverture vers de nouvelles possibilités de jeu, de mixage mais, somme toute, assez sage et lumineuse.
Chez Twig Harper, on est au contraire dans une pratique où la déconstruction, la charpie de matière n’est même pas une option d’origine. Ici tout est son, tout est pâte. Et tout est musique. Si rythme et mélodie il y a, c’est à l’état de bribes, d’un squelette ramassé là comme le reste. On entre ici attiré par le folk psychédélique à guitare de Six Organs of Admittance et on se retrouve dans les triturations punk expérimentales de Black Dice ou Wolf Eyes.
Glissandi de cordes et quasi-musique contemporaine, glacis de claviers froids et lacérations de violoncelle qui zèbrent l’espace musical avec des irisations numériques désormais bien connues, voilà le menu de Two Forms Moving et The Scout Is Here.
Avec Black Tea, on infuse dans la musique acousmatique et (peut-être) des cuivres triturés.
Dans Companion Rise, ce sont encore des cuivres et des cordes numériques (rappelant un poil le Wagner de Tannhäuser ?)… C’est du modern jazz dérangé, de la muzak cinglée (le marimba ou apparenté n’y est pas pour rien).
Dans The 101 on sent comme une remontée (un haut-le-cœur) des bandes d’origine avec des guitares dont il ne resterait plus que le squelette. Et des percussions démentes, pour une atmosphère à la Suicide.
Hanted and Known est assez hypnotique et le moins dérangeant pour les plus popeux d’entre nous : des gouttelettes musicales pleines de réverb sur des zébrures de cordes graves.
Mark Yourself est comme une remontée de funk froid, de pop prédigérée avec des orgues de films d’horreur.
Enfin, Worn Down to the Light poursuit sur sa lancée macabre, avec retour des cordes, des cuivres très exposés, un solo étrange et des vrombissements de véhicules d’un passé futuriste qui ne viendra jamais (Akira, Blade Runner).
Avec ce Twig Harper Remix, on est dans un univers jumeau de celui de Six Organs of Admittance. Tellement autre et pourtant tellement proche. C’est vraiment une belle idée de nous convier, enfin, à un remix vraiment autre, d’une sensibilité proche mais utilisant une toute autre palette. Comme une contamination, une porte ouverte sur un autre univers. Pas étonnant de la part de Ben Chasny qui invite vraiment l’auditeur à porter un autre regard sur son œuvre et sur d’autres pratiques. Et c’est aussi, du coup, un beau duo et un bel hommage.
Avec l’aide de Johanna D., remixeuse de textes.
“Companion Rises/Twig Harper Remix” est sorti en LP et numérique chez Drag City le 27 septembre 2024