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Disques

King Hannah – Big Swimmer

Sur un deuxième album non exempt de défauts, les deux Anglais de King Hannah savent séduire par une musique langoureuse et indolente qui nous fait voyager.

« L’important, ce n’est pas la destination, c’est le voyage en lui-même. » Nombreux sont ceux qui ont pu éprouver la pertinence de cette citation de Robert Louis Stevenson. Il est tout de même à douter que l’auteur de “L’île au trésor” ait écrit celle-ci en pensant à un groupe de rock… C’est ce qu’a pourtant vécu, comme nombre de ses prédécesseurs, le duo anglais King Hannah qui, après la sortie de son premier album “I’m Not Sorry, I Was Just Being Me” en 2022, a été amené à tourner en Europe et surtout en Amérique, ce qui l’a profondément marqué, passant des heures et des heures sur les routes, regardant défiler, depuis la vitre de leur van, les grand espaces américains. Tout cela a bien sûr infusé dans leur songwriting et les expériences vécues en tournée ont fourni la matière pour leurs nouvelles chansons, tout comme elles ont amené le groupe à faire évoluer les chansons elles-mêmes.

Alors que le premier album, malgré ses qualités, pouvait apparaître comme monocorde et redondant, une plus grande variété, plus de d’espace et de relief se dévoilent sur son successeur. Nous en avons la preuve dès le morceau-titre qui ouvre l’album, touchante introduction qui berce sans en avoir l’air et qui, tout en relâchement, nous fait tout de suite nous sentir en terrain favorable. Ce relâchement, ce détachement même, caractérisent véritablement la musique de King Hannah sur ce nouvel opus, mais cela s’exprime souvent dans des climats et des ambiances différentes. On peut le constater dès “New York, Let’s Do Nothing”, le morceau suivant, où la chanteuse Hannah Merrick pratique un spoken word froid et distant pendant que son compagnon Craig Whittle s’agite derrière à la guitare, ce contraste faisant bien évidemment tout de suite penser à la musique de leurs compatriotes de Dry Cleaning sur cette chanson comme, plus loin, sur “Milk Boy (I Love You)” et “Somewhere Near El Paso”.

En son sein, ce dernier titre, comme quelques autres, contient néanmoins le vrai défaut de l’album, à savoir une guitare trop lourde et trop bavarde qui gâche alors vraiment les choses et peut se révéler franchement pénible. Il serait toutefois très réducteur de n’envisager “Big Swimmer” que sous cet aspect. Le disque est surtout empreint d’une même langueur, d’une même indolence mais qui s’expriment de multiples manières, que cela soit plus retenu (“The Mattress”), plus pop (“Davey Says”) ou plus raffiné (“This Wasn’t Intentional”, ce titre ayant le privilège, comme le morceau d’ouverture, d’accueillir la voix de Sharon Van Etten).

Au final, c’est une réelle influence américaine qui transparaît ici, au travers des voyages et expériences déjà évoqués mais aussi et surtout par les influences musicales du duo de Liverpool. Un bon exemple se trouve dans “Suddenly, Your Hand”, long morceau de plus de sept minutes constituant également une des plus belles chansons de l’album, qui ressemble aux plages les plus apaisées de Bill Callahan dont le nom est d’ailleurs cité au début. Ce n’est pas la seule chanson où King Hannah cite les noms de ses héros musicaux, “Lily Pad” contenant le nom (et le style) de Slint et “John Prine On The Radio” celui du songwriter américain dont nous n’avons toujours pas digéré la mort survenue en 2020. Cette dernière chanson conclut d’ailleurs en beauté le second album de King Hannah, par son rythme cool et tranquille qui n’est pas loin de nous faire accéder à une certaine plénitude.

On l’aura vu, le deuxième disque d’Hannah Merrick et de Craig Whittle n’est pas exempt de défauts mais, par la langueur et l’indolence qui s’y expriment, il s’avère surtout très séduisant. Qui plus est, le relâchement et la distance que semblent apprécier les deux Anglais est éminemment salutaire en ces temps incertains. Reste à savoir si, dans le futur, ils continueront sur ce chemin.

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