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Track by track – “Dam Gonna Break” de Manolo Redondo

Programmé à l’International en juin dernier avec ses trois musiciens pour les 25 ans de POPnews, Manolo Redondo alias Manuel Dedonder avait joué quelques morceaux inédits. On les retrouve logiquement sur “Dam Gonna Break”, son troisième album qui vient de sortir. Six ans après “Helmet On”, et deux ans après le EP “Lost & Found”, le Francilien poursuit dans une veine qui lui réussit, entre rock indé racé et folk électrique.
En faisant se succéder sur ce nouveau disque “Shirt Off” et “Nager nu”, Manuel Dedonder veut-il nous dire qu’il se dévoile davantage ? Les chansons apparaissent en tout cas un peu plus brutes et directes que par le passé, mais sont toujours d’une aussi grande finesse dans l’écriture et l’interprétation. Inspiré par les écrits d’Edward Abbey (1927-1989), qui célèbrent la splendeur de la nature sauvage, “Dam Gonna Break” explore des thèmes intimes liés à la solitude contemplative face aux éléments naturels et à l’humilité qui découle de cette expérience. Mais c’est encore son auteur qui en parle le mieux, morceau par morceau.


Dam Gonna Break

« Quand j’étais dans le désert, pour le tournage de “Lost & Found” [court-métrage accompagnant le EP, NDLR] avec mon ami Dan Johnson, je lisais “The Monkey Wrench Gang” d’Edward Abbey [”Le Gang de la clef à molette” en français, sorti en 1975, NDLR]. Il y est question d’écoterrorisme, et “Dam Gonna Break” vient de là… C’est le barrage qui va céder, dans l’idée de libérer les flots, le courant, ne pas vouloir maitriser les rivières et la nature, rendre leur liberté à ces forces. En rentrant de ce séjour en Californie, j’ai vu les collines d’Hollywood en feu une nuit, et je les ai mises aussi dans cette chanson, comme un horizon inquiétant, conséquence de ce qu’E. Abbey décrivait déjà dans ses ouvrages il y a un demi-siècle. “Dream river is on fire, the canyon is now a leak…” »


Flowers

« “Flowers”, ce sont les belles fleurs qui vont pousser sur les vestiges des décharges et des constructions effondrées, c’est le temps qui s’étire. Peu importe le chaos des sociétés humaines, la nature repousse et reprend ses droits, comme sur les ruines d’une civilisation oubliée. J’ai toujours été très ému par cette idée de la végétation qui recouvre les temples ou les habitations, à Angkor ou au Machu Picchu… Nimporte quel film où on redécouvre une cité perdue dans la jungle me plaît, même s’il est nul. Il y a dans cette chanson un rapport au temps, à la durée, la récurrence ou la résurgence, dans le texte mais aussi dans la construction musicale. »


Get Out

« La maquette de cette chanson s’appelait “Bruce”, il y avait une idée d’énergie springsteenienne là-dedans. Une chanson pour jouer dans un stade, avec des feux d’artifices et des écrans partout… sauf que mon territoire est bien plus modeste. Comme dans plusieurs chansons de l’album, je me suis amusé à glisser des “presque citations”, ici c’est une phrase empruntée à Eddie Vedder (Pearl Jam) que je me suis appropriée. Je n’avais probablement pas écrit de chanson aussi rock et aussi directe depuis très longtemps, pour moi il y avait une reconnexion avec une énergie très adolescente que j’ai toujours en moi. »

Power

« “Power”, c’est une dénonciation de ce que le pouvoir, le goût du pouvoir, la quête du pouvoir, changent ou peuvent changer en chacun de nous, le mal que ça peut faire… “Power is a dinosaur, life was meant to be much more”. Le pouvoir est une drogue, le pouvoir corrompt et abîme, que ce soit dans les hautes sphères, dans la rue ou dans l’intimité. On a longuement travaillé sur cette chanson avec Dimitri et Clément, deux musiciens qui participent depuis longtemps aux disques de Manolo Redondo, testé différents tempos, différentes énergies. Je n’avais jamais fait ça avant, chercher pendant si longtemps le rythme, la cadence des mots pour donner de la force au propos. »


Solid Ground

« Cette chanson a commencé, comme beaucoup des miennes, par un morceau instrumental, une progression harmonique avec quelques bribes de mélodie qui émergent. Et puis le refrain et les mots sont arrivés tous seuls par-dessus, sans que je cherche, sans que j’y mette la moindre volonté. Je crois que c’est un peu une chanson d’amour, d’un amour compliqué, mais je ne suis pas vraiment au clair avec tout ce que j’ai écrit ici. Je comprendrai sans doute mieux ce texte dans quelque temps temps, avec du recul. C’est parfois le cas, je chante des phrases que je comprends à peine, et puis elles prennent sens plus tard. “Keep the silence on, and let me roam in there”. »


Shirt Off

« C’est une sorte de contrepoint à “Dam Gonna Break”, d’abord par son énergie beaucoup plus naïve, moins grave que la chanson d’ouverture, mais aussi dans le propos. Le narrateur atteint un lac et se déshabille pour s’y baigner, mais le lac est à sec, le barrage a retenu l’eau en amont. Il y a dans cette chanson la description d’un combat perdu d’avance, mais un combat mené tout de même, pour la beauté du geste. Le refrain fait écho au “Every valley is not a lake” de “Dam Gonna Break”, qui est encore une citation d’un groupe californien qui faisait de bons albums il y a une quinzaine d’années. [on vous laisse chercher lequel !, NDLR] »


Nager nu

« Il y a quelques années, j’ai passé du temps au bord d’une rivière, dans la forêt au Guatemala, c’est là que l’amorce de cette chanson est venue. J’en ai enregistré plusieurs maquettes différentes, avec des tentatives d’arrangements assez variées, et je n’arrivais pas à trouver la bonne couleur, le grain qui mettrait en valeur mon texte très simple et naïf. Le texte en français, c’est toujours compliqué pour moi à contextualiser : ça me fait faire un pas de côté, qu’il faut mesurer et peut-être compenser pour que la chanson ne devienne pas un ovni dans l’album ou dans mon répertoire. C’est un ami qui m’a soufflé l’idée de la traiter à la manière de Crosby, Stills, Nash & Young ou America, encore plus folk americana que je ne le ferais avec un texte chanté en anglais… Je suis donc parti dans cette direction, au moins au début. »

Foam

« A chaque album, il faut se lancer un nouveau petit défi, ouvrir une piste inexplorée jusque-là… Du moins c’est comme ça que je le vois. Je n’avais jamais écrit de chanson piano voix, donc je me suis lancé là-dedans pour “Foam”, une chanson qui parle de la peur et de la mort… de la peur de la mort de l’autre, pour être plus précis. Je n’étais pas capable de jouer la partie de piano correctement, alors on a fait venir un ami, Baptiste, qui l’a délicatement interprétée. C’est le seul musicien autre que moi-même et Dimitri, mon frère et batteur percussionniste, qui a joué sur le disque. »


New Den

« Je crois que c’est la seule chanson dont l’idée remonte à l’écriture de l’album précédent, en 2017. Elle parle entre autres de la pluie, donc pour un album qui sort à la mi-novembre, c’est de saison. »


What If the Sun

« J’ai composé et écrit cette chanson, presque dans sa version définitive avec les pistes d’arrangements, dans une chambre d’hôtel au Mexique. J’avais acheté une guitare à 20$ dans la rue, et apporté avec moi un mini-dispositif pour enregistrer… Je crois qu’on peut difficilement faire plus léger et plus cheap que ce que j’avais pour travailler. J’adorais écrire et manipuler mes idées dans ce contexte, après avoir exploré les paysages et villages sur la côte Pacifique. Cette chanson décrit simplement la force des éléments, la magie de la lumière et des formes du monde autour de nous, et l’humilité que ça doit – selon moi – nous inspirer. »


Wind in My Hair

« Une de mes chansons préférées, depuis l’enfance, c’est “Riders on the Storm” des Doors. Je pense que “Wind in My Hair” est marquée par cette admiration, ce goût pour les chansons crépusculaires, les ultimes chansons… C’est la dernière chanson de l’album, et si ça devait être ma dernière chanson tout court ça ne me déplairait pas. Bizarrement, les citations qui ont atterri dans les paroles sont plutôt britanniques, et “you and your army couldn’t let it be” emprunte aux deux plus grands groupes anglais à mon sens. »


L’album et le reste de la discographie de Manolo Redondo sont en vente sur son Bandcamp.


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