Le festival BBmix revient les 24 et 25 novembre au Carré Belle-Feuille de Boulogne-Billancourt (92), avec une affiche qui mêle comme d’habitude formations culte et découvertes. POPnews a été partenaire de l’événement par le passé, et les 25 ans d’existence de ce site ont été en partie rythmés par les éditions successives qui ont offert leur lot de grands moments avec James Chance, les Young Marble Giants, Fujiya & Miyagi, Deerhoof, The Drones, Gravenhurst, les Swans, les Raincoats, le Monochrome Set, le Pop Group, Beak>, Spain, Lee Ranaldo, Faust ou Pere Ubu (Moon Unit), parmi bien d’autres.
Les programmateurs Marie-Pierre Bonniol et Jean-Sébastien Nicolet passent en revue ce BBmix 2023 pour nous, en parlant d’une seule voix ou presque.
Un festival installé dans le paysage boulonnais
« C’est la 18e édition sur 19 années car il n’y a pas eu de BBmix en 2020 à cause du Covid. On approche donc des 20 ans, c’est dingue ! Le festival a connu diverses formules. Longtemps il s’est déroulé sur trois soirées, voire quatre certaines années. Depuis 2019, on a réduit à deux : même si on est un peu en marge des gros festivals et qu’on n’a pas le même modèle économique, les coûts ont augmenté pour nous aussi mais pas notre budget. On préfère donc faire moins en continuant à faire bien. Jusqu’ici il y avait des concerts le dimanche, ça nous plaisait, mais finalement ce n’est pas évident d’attirer le public avec une grosse soirée en fin de week-end alors que la plupart des gens travaillent le lundi. On essaie donc d’évoluer, de ne pas rester sur nos acquis, en s’adaptant aussi à la sociologie de Boulogne où la population a changé. Le BBmix reste un festival de proximité dans une partie de la banlieue parisienne où il n’y a quasiment pas de salles rock, plutôt concentrées au nord et à l’est. »
R.Aggs (samedi 25 novembre)
« Son nom est Ray Aggs, mais ça se prononce “rags”. Cet artiste est le leader de Trash Kit et est également membre de Shopping, des groupes basés en Ecosse qui ont une belle énergie. Iel jouera en solo, ce qui est une tendance de plus en plus forte à tel point qu’on peut se demander si on ne va pas finir par se retrouver qu’avec des artistes qui jouent seuls ! C’est bien sûr lié à des questions financières, même si nous avons quand même les moyens de faire jouer des groupes. Mais on aime bien les musiciens solo, qui portent leur projet et peuvent exprimer leur personnalité. Par le passé, on avait reçu Fred Frith, Pierre Bastien, Carla Del Forno, Colleen, Momus, Dogbowl, des gens qui peuvent tout à fait se produire sur scène sans être accompagnés. Et c’est bien de pouvoir varier, de programmer à la fois des solos, des duos et des groupes aux effectifs plus larges. Là, ça apporte aussi quelque chose de plus brut et lo-fi à la deuxième soirée, où se produiront Arab Strap et La Féline. C’est un peu plus rugueux. »
Pelada (vendredi 24 novembre)
« Après le solo, le duo ! Un groupe de live absolu, québécois mais hispanophone. Ils ont une proximité très forte avec le public. C’est toujours un défi de faire jouer ce genre d’artistes dans un théâtre et ce sera intéressant de voir comment eux-mêmes et le public vont s’approprier une salle en places assises. On se souvient du concert de Ty Segall en 2012, avec des spectateurs jeunes restés debout, qui étaient à fond. Et Chris Vargas, la chanteuse-performeuse de Pelada, a une présence incroyable donc on ne s’inquiète pas trop. Ils trouveront leur place entre Witch et A Certain Ratio, mais sans forcément faire un lien, ce sera plutôt autre chose, une sorte de coupure. Ils peuvent rappeler un autre duo qui joue beaucoup en France, Dame Area, ce sont comme eux des dynamiteurs de soirée, qui la font passer d’un état A à un état B. »
La Féline (samedi)
(Marie-Pierre) « On est super heureux d’accueillir enfin Agnès Gayraud, qui devait venir en 2020. Une année où malheureusement le festival BBmix, comme tant d’autres événements, a été annulé. Sa pop en français fait un lien entre des choses qu’on aime, le public pointu du festival et celui de Boulogne-Billancourt aussi. Ses compositions sont d’une grande finesse, j’apprends petit à petit à les découvrir. Elle me fait aussi prendre sensiblement conscience de la force de la pop dans son potentiel esthétique, comme forme au plus proche des affects mais aussi dans sa capacité à nous transformer profondément. J’ai travaillé, comme Agnès, sur les rapports d’Adorno aux musiques populaires. J’ai un rapport quotidien à la philosophie, à l’esthétique, qui me nourrit énormément, et qui devient une partie de mon activité professionnelle. L’approche d’Agnès, sur plusieurs fronts à la fois théoriques et créatifs, est très inspirante et fortifie mes propres pratiques. Les choses s’agrègent dans ses projets, et c’est quelque chose que nous voulions aussi partager. »
Witch feat. Jacco Gardner (vendredi)
« W.I.T.C.H. est l’acronyme de “We Intend To Cause Havoc” (“Nous avons l’intention de causer des ravages”). Une formation de Zambie des années 70 dont la composition s’est beaucoup renouvelée depuis, de nombreux membres d’origine de ce collectif mouvant ne sont plus là. Ils ont découvert le rock avec les disques des Stones, ils n’avaient jamais entendu ce genre de musique amplifiée avant et ça a été une sorte de révolution. Une scène zambienne s’est formée, dont ils étaient la tête de pont. Ils ont joué dans un stade de 80 000 personnes à Kinshasa au Zaïre (devenu la République démocratique du Congo). Le musicien pop néerlandais Jacco Gardner, qui a une appétence pour les “musiques d’ailleurs”, s’est entiché du projet et a relancé Witch, qui n’avait rien sorti depuis près de 40 ans, en mêlant des membres historiques à ses collaborateurs habituels. On n’est pas dans l’afrobeat, plutôt dans le rock psyché voire garage, il y a un côté T. Rex, mais avec une approche personnelle, singulière. Cette tournée ne devait pas passer en France au départ et finalement on a pu caler cette date pour le BBmix. Vous verrez, c’est surprenant ! »
A Certain Ratio (vendredi)
« Un groupe qui n’a jamais vraiment arrêté et qu’on nous avait déjà proposé mais que nous n’avions jamais réussi jusqu’ici à intégrer dans la prog. Ça fait partie des artistes un peu mythiques qui manquaient à notre panthéon, même s’ils ont joué assez régulièrement à Paris ces dernières années. Ils restent productifs – ils viennent d’ailleurs de sortir un nouvel album, “1982” –, et leurs lives sont toujours pertinents. On a pas mal baigné dans un revival post-punk ces dernières années et le BBmix a été précurseur de ce point de vue, donc ça nous fait plaisir d’y revenir. ACR s’est renouvelé en collaborant avec des artistes plus jeunes, ils ont toujours été dans cette dynamique. Ils ont fait des albums magnifiques et très importants mais ne se sont jamais reposés sur leur passé, ils ont continué d’avancer, de créer. Comme Faust, dans un autre genre, qu’on avait programmé il y a deux ans. »
Arab Strap – “Philophobia Undressed” (samedi)
(Marie-Pierre) « On parlait d’albums importants concernant A Certain Ratio, et je pense que le BBmix, c’est aussi un festival pour ceux qui aiment les disques au quotidien, y compris dans un rapport un peu “nerd”, quelque chose qu’on retrouve par exemple dans l’exposition des pochettes en feutrine d’Elsa Kuhn, “In Felt We Trust”. Ce qui nous amène à Arab Strap qui va jouer l’un des ses plus fameux albums, “Philophobia” (1998). Je me souviens que quand je les avais programmés au Nouveau Casino, il y a à peu près 10 000 ans, un spectateur réclamait en criant “la quatre !”, ce qui traduit un rapport fort à un album ! On a envie de vivre des émotions en compagnie de gens qui partagent la même passion pour un disque particulier, c’est quelque chose qui a toujours influencé notre programmation. »
(Jean-Sébastien) « Ce n’est pas une exclusivité, ils avaient décidé de tourner un peu pour les 25 ans de “Philophonia” mais il n’y avait pas de date prévue en France au départ, nous avons donc sauté sur l’occasion. D’autant que leur retour il y a deux ans avec un nouvel album a été bien accueilli par la presse et le public. Ils rejoueront le disque dans l’ordre et “la quatre” sera donc bien le quatrième morceau, mais ce sera “undressed” : ils ne seront que deux, avec quand même pas mal de machines en renfort, la fiche technique est relativement complexe. On devrait donc retrouver l’essence même des chansons, leur force mélodique. »
2 Limited DJ (vendredi et samedi)
« Un duo aux platines avec Sonia du Chair de poule, un bar parisien qui organise régulièrement des petits concerts. Son énergie, sa curiosité et son envie de voir aboutir des projets sont les mêmes qui nous animaient quand on a lancé le BBmix il y a une vingtaine d’années. C’est aussi une passionnée d’art brut qui cartographie tous les lieux avec des œuvres en France, elle fait beaucoup de choses. On a l’impression que le Chair de poule fédère une communauté d’amateurs de musique, un peu comme le festival. Le rapprochement était donc logique. »
Arab Strap, Philophobia Undressed Tour (Stripped Back), à Slakthuset, Stockholm, le 15 novembre 2023 – POPnews
[…] boit du cider… Arab Strap jouera en duo son album “Philophoabia” le samedi 25 novembre au BBmix à Boulogne-Billancourt. Dis jours plus tôt, ils se produisaient à Stockholm, et POPnews y […]