La scène a déjà été vue : Extérieur nuit sur une route nationale, une R12 roule à toute vitesse et Emile Sornin joue dans son studio en invoquant les fantômes de François de Roubaix, Philippe Sarde et Pino Donaggio. Après un premier album encore chanté en anglais, un second écrit malignement en français, puis un hommage aux chineurs d’instruments anciens, Forever Pavot revient avec quatorze nouveaux morceaux, chantés ou non, où l’influence des musiques de film et de la library music est toujours prégnante mais jamais écrasante. “L’Idiophone“ sort comme les précédents chez Born Bad Records, et ça parle de tueur qui s’enfuit en voiture, de maison de campagne abandonnée et de main coupée.
Evacuons d’entrée de jeu les évidences : “Les Informations“ et “Au bal des traîtres“ sont deux tubes en puissance. Si le premier, avec son bout à bout ironique d’actualités (« Téléthon, showbizness, Xavier Dupont de Ligonnès […] Burkini, huile de palme, épargne en paradis fiscal »), nous venge de tous les agents de la peur qui se sont infiltrés dans les rédactions de divers journaux télévisés ainsi que les réseaux sociaux, le second nous propose une étrange vision qui ressemble à l’antichambre de l’enfer. Les deux titres sont portés par une batterie au cordeau – la poigne souple de Vincent Taeger distille un rythme précis et hypnotique – ainsi que par une composition pop en mode mineur jouée sur un vieux clavier vintage. Emile Sornin déforme pour l’occasion sa voix au Vocoder, c’est dire comment on navigue en eaux troubles.
Entre l’ouverture effrénée “Dans la voiture“ et le petit air de “Au fond“, Forever Pavot nous brinquebale dans ses chansons désabusées avec la ferveur gargantuesque d’un Oliver Reed aperçu dans un film de Sergio Sollima. On se raccroche à une basse aussi claquante qu’un coup de fouet, on bloque sur un air de piano mélancolique et on vrille définitivement sous les mélodies d’un clavier métronomique. Les paroles trimbalent leur humour fatigué comme une errance en banlieue semi-lugubre pour acteur de Quentin Dupieux. “L’Idiophone“ nous donne autant envie de rire que de pleurer, et au train où vont les choses, tout cela pourrait bien devenir séminal.
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