Au sein d’Espers et Heron Oblivion, en compagnie de la harpiste Mary Lattimore, derrière les fûts avec le groupe de Philadelphie Watery Love ou sous son nom, l’Américaine Meg Baird navigue depuis une vingtaine d’années entre folk diaphane d’inspiration anglaise, psychédélisme électrifié et tortueux et même punk lo-fi particulièrement énervé. Sur “Furling”, son très beau quatrième album, c’est sa veine la plus paisible et mélodieuse que l’on retrouve, tout en arpèges de guitare sèche et voix tremblée, parfois teintée d’un peu de soul, reposant ailleurs sur quelques notes de piano (la clôture évanescente “Wreathing Days”). Le disque d’une musicienne parvenue sans fracas au sommet de son art.
Nous avons demandé à Meg sélectionner pour nous une quinzaine de morceaux, reflétant tout l’éventail de ses goûts et intérêts. Nous avons choisi de publier à la fois ses brefs commentaires dans leur langue d’origine et une proposition de traduction qui confine parfois à l’interprétation (un grand merci à Rémi Boiteux pour son aide précieuse).
« Of course these are not my “favorite songs.” That list would be too long, ever-changing,
unknowable–and excruciating to write even if staying away from the last three decades or so. But here are some freeform selections that come to mind both often and at the time and mood of writing this. I can already tell that it’s woefully random and incomplete. »
« Bien sûr, ce ne sont pas mes “chansons préférées”. Cette liste serait trop longue, en constante évolution, impossible à élaborer – et elle obligerait à faire des choix déchirants même en restant à l’écart des trois dernières décennies environ. Mais voici quelques morceaux de genre variés qui me viennent à l’esprit, à la fois régulièrement et au moment d’écrire ceci, dans mon état d’esprit présent. Je peux déjà dire que c’est terriblement aléatoire et incomplet. »
Jón Leifs – Hughreysting (Consolation), Intermezzo for string orchestra, Op. 66
I first heard this on Marvin Rosen’s show on WPRB while driving to work and had to pull the car over, and just listen and feel along with the strings’ body breathing.
Je l’ai entendu pour la première fois dans l’émission de Marvin Rosen sur WPRB, en allant au travail. J’ai dû me garer sur le bas-côté, juste pour écouter respirer les cordes et ressentir ce souffle vital.
Gal Costa – Baby
The composition, the arrangement, the lyrics, that voice! Makes you want to learn every single language, dismantle the aspirational modern new world while having everything you’ve ever most wanted.
La composition, les arrangements, les paroles… et cette voix ! Ça donne envie d’apprendre toutes les langues du monde. Et de déconstruire toutes les ambitions contemporaines, puisqu’on aura déjà gagné tout ce dont on avait besoin.
Les Rallizes Dénudés – Enter the Mirror (’77 Live)
To be in receiving distance of this song’s intoxicating, sprawling invocation.
Se mettre à la juste distance, et se laisser envahir par l’invocation enivrante que nous offre cette chanson.
The Delphonics – Hey! Love
To be driving slowly around Logan Fountain in spring while all the cherry blossoms are in bloom.
Comme conduire lentement autour de la fontaine de Logan [qui se trouve sur une place de Philadelphie, ville où Meg a vécu, NDLR] au printemps, alors que tous les cerisiers sont en fleur.
The Cure – The Caterpillar
Such sweetness. Nectar in song! It’s nearly Elizabethan.
Une telle douceur. Un nectar de chanson ! C’en est presque élisabéthain.
18th Dye – Poolhouse Blue
These were common modes to work in at the time this was made, but this recording always stuck in my mind as being so sincere in its slug crawl against ennui. Many moons ago, I learned to play a drum kit in a creepy basement just so I could play along with this track.
C’était une approche musicale assez courante à l’époque, mais cet enregistrement m’a toujours frappé par sa façon d’affronter l’ennui [en français dans le texte ; le mot est parfois employé en anglais avec une nuance esthétique, à l’instar de “noir” par exemple, NDLR] à la vitesse d’un limace. C’est pour être capable d’accompagner ce morceau que j’ai appris la batterie, dans un sous-sol sinistre, il y a de cela une éternité.
[18th Dye était un groupe germano-danois des années 90 basé à Berlin, qui a notamment tourné avec Yo La Tengo en Europe. L’album dont est extrait ce morceau avait été enregistré par Steve Albini dans les fameux studios Black Box, en Anjou, NDLR]
Trees – Sally Free and Easy
Magic Hour – Sally Free and Easy
Such wild, free places.
Des territoires si sauvages, et tellement libres.
[Magic Hour, qui reprend ici une composition du groupe folk anglais du début des seventies Trees, était un quartette actif de 1993 à 1996, dont la section rythmique était formée par Damon & Naomi, ex-Galaxie 500, NDLR]
Jerry Garcia – Love Scene (extrait de la bande originale de “Zabriskie Point”)
To have a glimpse into the dream where Charlie and I never had to leave San Francisco – light napping in the grasses on a high sunny slope, watching the fog curl in from a distance.
Pour avoir un aperçu du rêve dans lequel Charlie [Saufley, son partenaire et collaborateur de longue date, qui joue dans Heron Oblivion et sur ce nouvel album solo] et moi n’aurions jamais eu à quitter San Francisco – paresser doucement dans les herbes d’un haut talus baigné de soleil, en regardant le brouillard former au loin ses arabesques.
Bill Evans – Peace Piece
[sans commentaire]
Kristin Hersh – Your Ghost (feat. Michael Stipe)
This nautilus pattern is fossilized in my brain.
L’empreinte de ce nautile s’est fossilisée dans mon cerveau.
The Deviants – Child of the Sky
Psychedelic choir kids conjuring William Blake’s illuminated images in the woods outside the grounds.
Dans les bois, loin des aires de jeu, des enfants de chœur psychédéliques invoquent les images hallucinées de William Blake.
The Flamingos – I Only Have Eyes for You
Driving slowly on the curving outskirts of the city off into the distance of that reverb plate forever.
Lente et curviligne, une virée le long des boulevards de ceinture, avec au loin cette réverbération infinie.
Nick Drake – River Man
Tim Buckley – The River
One of my many, many dream life secret cottages lives in these songs.
Au cœur de ces chansons, se trouve l’un des nombreux repaires secrets de ma vie rêvée.
Laura Nyro with LaBelle – The Bells
I have a terrible copy of this record that I’ve listened to over and over again like a music box.
J’ai un exemplaire en piètre état de ce disque, que j’ai écouté et réécouté comme une boîte à musique.
Moby Grape – I Am Not Willing
Personal dance floor all-timer.
Un morceau qui pour moi marche à tous les coups sur le dancefloor.
Photo : Rachael Cassells.
Lire la chronique de l’album.
Meg Baird – Furling – POPnews
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