Porté par une hype et un bouche-à-oreille salvateurs en période de confinement, le premier album de Yard Act ne déçoit pas. Mélangeant les genres et plus subtil qu’il n’y paraît, le groupe anglais dresse avec un mélange de causticité et de bienveillance un portrait de la perfide Albion et plus largement de notre époque, sur fond de post-punk efficace.
Nous l’écrivions dernièrement à propos du groupe Geese : l’avantage avec les gamins d’à peine 20 ans, c’est qu’ils découvrent tout (grâce à des moyens d’écoute pas toujours recommandables…) en même temps. Ils peuvent donc piocher dans l’infini catalogue du rock depuis cinquante ans, de Television aux Strokes, de Joy Division à Bloc Party, pour créer leur musique, parfois de manière aussi réjouissante et rafraîchissante qu’une pinte de lager. Comme le fait donc Yard Act, nouveau venu ou presque dans la nouvelle et florissante scène néo-post-punk.
Yard Act, c’est une bande de potes, des musiciens issus de groupes différents, qui finissent par jouer ensemble pendant le confinement. Après un maxi remarqué l’an passé, leur premier album “The Overload” fait la démonstration du talent de ces jeunes mal peignés. Ils sont quatre, ils viennent de Leeds, comme Gang of Four, l’une des références évidentes du groupe – notamment sur “Witness”, un voyage dans le passé de moins d’une minute trente. Débit mitraillette ou spoken word qui n’est pas non plus sans rappeler The Fall, The Streets voire Blur (“Parklife”) : James Smith (même son nom sonne so british) nous décrit ses compatriotes et son pays avec une lucidité acide et mordante, suivant là aussi une pure tradition britannique, à l’instar de Pulp (“Common People”), Blur, encore eux (“Charmless Man”) ou plus récemment du duo des Sleaford Mods. Moins méchant et plus fin que ces derniers, Yard Act n’est toutefois guère plus tendre avec ses concitoyens. Du moins dans la première partie de l’album. “Dead Horse” décrit un pays rongé par le racisme et un peuple accro aux chaînes d’info(x), à qui il ne reste qu’un peu d’humour et de musique. Pessimistes et cyniques, “Payday” (« Take the money and run! ») et “Rich” (« Life is a bitch, It appears I’ve become rich ») n’arrangent pas le tableau.
Puis, la basse devient plus ronde, le ton plus léger voire blagueur. “Land of the Blind” et son gimmick « babababa-baba, baba-baba » et “Quarantine the Sticks” nous redonnent le sourire. Doit-on le garder six minutes plus tard à la fin de “Tall Poppies” ? Difficile à dire : le titre nous raconte la vie et la mort d’un middle class hero d’une petite ville anglaise qu’il n’aura jamais quittée. Club de foot, copines, mariage, gosses, boulot, chien et enterrement… On ne sait pas si on doit sourire devant une telle humilité ou pleurer face à un tel manque d’ambition.
Les deux derniers titres nous donnent en tout cas envie de danser. “Pour Another” sonne comme du Franz Ferdinand repris par Parquet Courts tandis que “100% Endurance” nous ramène à l’époque Britpop. Yard Act devient alors presque optimiste : « It’s hippy bullshit but it’s true ». Gageons qu’il reste à James Smith un peu de venin dans lequel tremper sa plume pour continuer à dépeindre l’Angleterre cabossée des « BoJo » et compagnies.