Les chansons du désormais mythique premier album du Velvet Underground ont connu et connaîtront des dizaines, des centaines, des milliers de reprises plus ou moins originales, plus ou moins fidèles, bref plus ou moins réussies. Mais une telle concentration de talents réunis pour un hommage à « l’album à la banane », avouez que cela fait saliver. Tout le gratin actuel, passé ou futur du rock et de la pop se retrouve donc dans ce « tribute ». Certains s’en sortent avec les honneurs, d’autres un peu moins.
« Un hommage ? Un de plus ? À quoi bon ? » Voilà ce que les obsédés du culte et les peine-à-jouir pourraient se dire à la sortie de ce « tribute ». Pourtant, ne boudons pas notre plaisir d’écouter nos artistes préférés reprendre un de nos albums de chevet. Car le casting est tout simplement affolant. Ce qui, nous sommes d’accord, n’est pas un gage de qualité. Mais comment rester insensible à la voix de Michael Stipe (ex-REM et fan hardcore du Velvet) dont la classe imprègne ce “Sunday Morning” d’une élégante modernité (ah, cette clarinette !) tout en conservant la fameuse ligne de basse ? Ce morceau fait partie des réussites de l’album. Et ces réussites viennent d’artistes qui, à défaut de jouer la carte de l’originalité, s’approprient totalement la chanson. Sharon Van Etten (et sa désormais inséparable Angel Olsen) réalise une version très… « vanettennesque » de “Femme Fatale”. Idem pour Andrew Bird qui apporte sa touche très orchestrale, voire hippie, dans sa version de “Venus in Furs”, sans toutefois oublier ses dissonances bienvenues. Quant au “Run Run Run” de Kurt Vile, l’empilement de guitares blues rock lui va à ravir.
Très attendue et si évidente, la collaboration entre Bobby Gillespie et Thurston Moore sur l’envoûtant “Heroin”, si elle ne rallume pas la flamme (sous la cuillère), fonctionne à merveille. Qui de mieux en effet que le chanteur de Primal Scream pour chanter la drogue et le bruitiste guitariste de Sonic Youth pour accompagner de larsens ces montées hallucinées et ces descentes flippantes, tout en conservant la batterie « tachycardiaque » originale ? Enfin, autre belle réussite, les Dubliners de Fontaines D.C. s’en sortent à merveille avec “The Black Angel’s Death Song” qui semble avoir été écrite pour eux.
Si on apprécie toujours la voix traînante et un peu fausse de Courtney Barnett sur un “I’ll Be Your Mirror” épuré, nous ne retiendrons pas forcément l’anecdotique “There She Goes Again” de King Princess et le déjanté “All Tomorrow’s Parties” de l’ex-Polyphonic Spree St. Vincent. Lui aussi très attendu, le duo Iggy Pop/Matt Sweeney fait le job sur “European Son”, tandis que Matt Berninger (The National) est un peu trop propre et trop lisse pour jouer le blanc-bec qui attend son dealer sur le cultissime “I’m Waiting for the Man”.
Bide commercial à sa sortie en 1967, devenu culte depuis, “The Velvet Underground & Nico” aurait donné envie à chacun de ceux qui l’ont écouté de former un groupe. Pas sûr que ce « tribute » nourrisse autant de vocations. Mais bon, Lou Reed et ses acolytes s’en foutaient. On peut bien s’en foutre aussi.