POPnews propose une série estivale, histoire de (re)découvrir quelques trésors cachés. Des disques précieux, parfois oubliés, qui méritent d’être explorés de nouveau, et peuvent encore nous toucher, aujourd’hui comme hier. Premier épisode, autour de “Quelqu’un quelque part”, second disque de Pierre Bondu, publié en 2004.
J’ignore ce qu’a perdu Pierre Bondu avant d’enregistrer “Quelqu’un quelque part”. Peut-être un peu, et même beaucoup de lui-même. Peut-être, sans doute, une femme avec laquelle il a pu nourrir une passion destructrice. Je l’ignore mais je suppose que seule une douleur lancinante a pu être à l’origine de ce deuxième disque publié en 2004, après le prometteur mais inégal “Ramdam” sorti quatre ans plus tôt. “Quelqu’un quelque part”, ce disque porteur de toutes les promesses et qui, pourtant et sans doute pour des raisons personnelles, restera comme son dernier sous son patronyme. Un chant du cygne, étrangement. Avant une période de retrait et de collaboration (avec Philippe Katerine notamment), et une renaissance plus confidentielle, sous le nom de Pierre Daven-Keller.
J’ignore ce qu’a perdu Pierre Bondu, mais je sais que ce disque aimé assez intensément à l’époque a su traverser le temps, pour toucher encore aujourd’hui, et même davantage qu’hier. Le temps et sa patine, la fascination du musicien pour les architectures orchestrales 60’s de Michel Magne ou de Georges Delerue, son parlé-chanté qui n’est pas sans rappeler quelques glorieux aînés, en sont bien quelques explications. Mais plus profondément, c’est l’exceptionnelle qualité de ses compositions qui retient l’esprit. Une expressivité retenue, une élégance jamais démentie au service des émotions, et l’amour en fuite en cinémascope. Avec, jamais loin, une cruelle ironie. « Vous voulez que la vie ressemble à un film de cinéma / Plein de mouvements et de plaisirs / C’est ainsi que fonctionne un cerveau d’enfant / Les adultes, eux, acceptent la régularité, les pensums, la frustration » (“Mieux que personne”, en guise d’autoportrait à peine voilé).
Si “Quelqu’un quelque part” émeut tant aujourd’hui, c’est pour ce puzzle sentimental que le Français a bâti avec patience et détermination, jamais épuisé par des dizaines d’écoutes. Entre quête de soi, mélancolie tenace et, plus encore, perte irrémédiable de l’être aimé (“La vie qu’on avait”). Il n’est pas trop tard pour le (re)découvrir, et accompagner son auteur dans ce voyage insensé, où les fictions rêveuses (“Je rêve”, “Quitter la terre”) succèdent aux envolées symphoniques (“Caravelle”), avant que s’éteigne l’amour, la vie même, dans “Sans rancune”, dernier titre au parfum d’éternité. Histoire de boucler la boucle, avec des cordes belles à pleurer. Et l’écho du thème de “Camille”, souvenir du Mépris de Godard. L’être aimé, quelques vestiges sur un fond azur. 2004, 2021, l’été sans fin : il est urgent de réécouter Pierre Bondu.
STEF
Merci pour ce très bel article qui rend justice à ce merveilleux album écouté en boucle à l’époque et que je redécouvre aujourd’hui. Quel plaisir.
Franck Druf
Quel album merveilleux !
Bravo pour cet article, cher Popnews.
(D’ailleurs, j’en passerai un morceau dans Rockside (Radio Active) pour les 20 ans de sa sortie…)
Christophe Thiberge
Bravo et merci.
Découvert à sa sortie. Album qui a loupé de peu le prix Louis Deluc qui aurait , peut-être, donné un autre éclairage à la carrière d’un musicien unique.
Album toujours écouté avec un plaisir non retenu, des perles hors du temps, des compositions et orchestrations sublimes.
Un duo avec Armelle Pioline du groupe Holden.
A découvrir et redécouvrir