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Disques

Institut – L’Effet waouh des zones côtières

Poésies désenchantées sur le monde, en mode confiné. Petit précis de l’actualité, ad nauseam.

On n’en finit pas de mesurer l’effet de Michel Houellebecq sur la scène rock française, avec ou sans Burgalat, avec ou sans Jean-Claude Vannier.

Sur une pop de bon aloi, lisse, agréable, dansante même, pop synthétique glacée et pastel, qui ne cache pourtant pas son origine rock, Institut cultive la nausée du monde moderne. C’est une sacrée performance d’aligner, vers après vers, tout ce que le monde moderne nous offre d’abjections. On est surpris d’autant de constance sans aucun relâchement et on remarque, une fois de plus, à quel point une guerre dure est menée sur nos existences à coup de langage.

C’est dans cette rigueur et cette absence d’air qu’Institut se démarque des Manset, Erik Arnaud, Matthieu Malon ou Jérôme Minière.

Si le cauchemar est permanent, il est toujours décrit sur le mode léger du quasi rêve. Ainsi si Institut nous refait le coup du “Marine Le Pen” de Katerine, c’est complètement déterritorialisé, sous le soleil de Rio de Janeiro avec un Jair Bolsonaro, beau et turgescent, sur “Des échanges vraiment cul”. L’horreur du monde est bien dans son acceptation indolore d’une réalité brutale. Pour cela, deux instruments : le rêve donc, et la répétition, le rabâchage quotidien qui nous fait avaler les aberrations lexicales comme distanciel/présentiel (“On se voit demain”) ou, et c’est important car c’est sur le même plan, la domination de classe et la coexistence pacifique de deux mondes que tout oppose (ou devrait opposer) violemment : il y a ceux qui sont dans la data et ceux qui passent l’aspirateur mélangeant bruit blanc et zumba.

C’est la répétition qui informe la musique mais aussi le texte comme celui de “La Combinaison de mes expériences”, mantra du CV aux formules copiées/collées, absurdes et vides de sens, qui tiennent vraiment de l’idée d’un rituel obsolète, bien dans l’ordre du dressage.

Après deux précédents albums, “Ils étaient tombés amoureux instantanément” et “Spécialiste mondial du retour d’affection”, Institut triture à présent l’effet Covid-confinement et souligne, en le distillant dans son écoute du monde, à quel point nos dirigeants bien peu démocratiques font feu de tout bois (“Prenez soin de vous”).

On écoute Institut et, en somme, la nausée monte plus sûrement dans cette langoureuse douceur que dans les manifestes rock de Mendelson, Bruit Noir ou le récent Cloup/Bouaziz.

Enfin, le rock n’est pas complètement absent, il ressurgit ça ou là, avec beaucoup d’efficacité comme dans “Comme un coach en éveil de conscience”, devant autant à Experience qu’à “Drinking Margherita at the Mall” de Purple Mountains (Silver Jews). « Que le monde aille à sa perte, c’est la seule politique » (Duras, “Le Camion”). Oui, que le vieux monde croule. Aidons-le à s’effondrer.

Avec l’aide de Johanna D., bienveillante et résiliente en distanciel hybride.

L’effet Waouh des zones côtières” d’Institut est sorti le 5 mars 2021.

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