Chloé Delaume a obtenu fin 2020 le Prix Médicis pour son roman “Le Cœur synthétique”, paru au Seuil, qui fait depuis son chemin en librairie : l’histoire d’une femme qui, à 46 ans, se retrouve à nouveau, après une séparation, sur le “marché” impitoyable de l’amour. On sait moins que ce projet comporte un second volet, discographique, intitulé “Les Fabuleuses Mésaventures d’une héroïne contemporaine”, sorti sur l’audacieux et fureteur label Dokidoki. Cette héroïne, c’est Adélaïde, comme dans le tube interprété en 1986 par Arnold Turboust et Zabou Breitman. Tout, sauf un hasard. Le livre, comme le passionnant album, sont en effet très référencés, et inspirés par la pop française des eighties (mais pas que). Chloé Delaume et ses deux acolytes, l’auteur et musicien Patrick Bouvet et Eric “Elvis” Simonet (Lafille, Nicolas Comment), ont accepté de parler pour POPnews des artistes et des titres dont ils ont pu s’inspirer pour se lancer dans cette belle aventure commune.
Parallèlement, sort ce 10 mars le clip du remix par les érudits Penelopes d’un des titres phares de l’album (qui en est riche), “Cartomancie & Cie”, réalisé par Christophe Ideal. Gothique, drôle, décalé, et lui aussi référencé à souhait (vous avez dit Siouxsie ?).
Playlist Chloé Delaume
Étienne Daho – “Week-end à Rome” (in “La Notte, la Notte”, 1984)
« Étienne Daho était pour moi la référence principale quand est venu le projet de l’album. Les hommages y sont donc nombreux au sein des textes. Toutes les filles ont rêvé d’un week-end à Rome comme dans sa chanson. “RTT à Trastevere” en est la version lose : Adélaïde s’y retrouve seule. »
Mikado – “Naufrage en hiver” (in “Mikado”, 1985)
« Le duo Grégori Czerkinsky et Pascale Borel fait partie de mon panthéon, étant fan de synthé pop acidulée. C’est davantage ses sonorités que les paroles, plus naïves que certains de leurs autres morceaux (je pense à “Emma et Vienna”, qui a une chute en mode sale ambiance), que je voulais retrouver dans l’album. »
Arnold Turboust & Zabou Breitman – “Adélaïde” (single, 1986)
« Le nom de l’héroïne du roman et du disque vient de cette chanson. Arnold Turboust est un collaborateur d’Étienne Daho, il a composé pour lui nombre de titres, dont certains figurent sur mon album préféré de Daho, Pop Satori, sorti la même année. J’aime beaucoup cette petite histoire de soupirant éconduit en direct, le texte est amusant, la chute laisse entendre qu’il s’est vengé. »
Luna Parker – “Tes états d’âme Éric” (in “Félin pour l’autre”, 1988)
« Le single est sorti en 1986, le texte m’a tout de suite marqué : c’est un tricot ludique, qui joue sur les mots. Tout l’album est sur le même ton, il fait partie de mes disques-doudous. J’ai pensé à cette chanson et à tous mes groupes et titres fétiches en écrivant les paroles de “La Fiancée de Wanda”, qui est un jeu de piste référentiel ; Wanda étant le prénom de Lio. »
Playlist Patrick Bouvet
Suicide – Rocket USA (in “Suicide”, 1977)
« Le premier album du groupe Suicide. Culte. Ce mélange de punk et d’électronique cheap a été un choc pour moi à l’époque, et il est resté dans un coin de ma tête depuis. Je savais Chloé pas insensible à ce son, alors pour sortir un peu du versant pop du projet, j’ai proposé “Vieillir, dit-elle” et “Éponyme”. »
The Cure – All Cats Are Grey (in “Faith”, 1981)
« J’aimais bien The Cure au début des années 80, les albums “Faith” (1981) et “Pornography” (1982) sont pour moi leurs meilleurs. Il y a une forme de mélancolie qui me touche sur ce titre “All Cats Are Grey”, que j’ai tenté d’effleurer dans “Fin de partie”. »
Jo Lemaire et Flouze – Je suis venue te dire que je m’en vais (in “Pigmy World”, 1981)
« Reprise de Gainsbourg, une formule assez excitante où la synthpop francophone (ils sont belges !) rejoint le meilleur de la chanson française. Je me suis inspiré de ce “mix” de sonorités new-wave + style frenchy pour composer “La faim justifie les moyens”. »
Playlist Éric « Elvis » Simonet
Elli et Jacno – Main dans la main (in “Tout va sauter”, 1980)
« A l’époque, je baignais déjà dans le courant dark du post-punk (Joy Division, The Cure…), mais la prose sexy désabusée, joliment décadente, les compositions et les arrangements minimalistes, pour moi c’était de la pop sucrée hyper destroy dans l’esprit, un acide caché dans un bonbon à la framboise. Et puis il y avait l’image de ce couple, absolument beau et désirable. »
Depeche Mode – Just Can’t Get Enough (in “Speak and Spell”, 1981)
« Titre très énervant, je ne comprenais pas à l’époque comment ça pouvait plaire autant à mon parolier et gourou anglais Ian Harris, celui-là même qui m’avait initié à Joy Division. Le fait est que, quand on aborde la composition d’un album de synthpop, difficile, en se remémorant les 80’s, de ne pas avoir des remontées de ces fameux gimmicks de synthés. Qu’on aime ou pas, on en savoure l’extrême efficacité, et le charme de la nostalgie opère. Quand je réécoute “La Fiancée de Wanda”, je mesure ce que je dois à ce titre. »
Lio – Le Banana split (in “Lio”, 1980)
« Ben oui, j’ai aimé Lio d’amour, je le confesse. J’aurais bien aimé vivre dans une maison avec ma chambre pas loin de la sienne, une autre aurait été occupée par Elli et Jacno. J’avais consciemment ce titre en tête quand j’ai abordé “Perdues d’avance”, mais je ne l’ai surtout pas réécouté avant de composer. Je crois finalement que seule la ligne de basse peut l’évoquer, après le morceau part carrément dans une sorte d’électro psychédélique foufou avec des orgues Vox et Farfisa. »
Photo : Chloé Delaume entourée de Patrick Bouvet (à gauche) et Éric “Elvis” Simonet. © Philippe Lévy
Merci à Sylvie Astié