Un moment de grâce, comme il y en eut peu en cette année si particulière. Thomas Jean Henri, entouré de quelques présences féminines, parmi lesquelles Kate Stables (This is The Kit) et Françoiz Breut. Un appartement, probablement bruxellois, au début de ce confinement printanier dépassant déjà de beaucoup les frontières. C’était le 18 mars 2020, et au milieu des livres et des tableaux, six voix s’élèvent, au son de la guitare de Thomas, réunissant douceur et conviction. Ces voix qui s’élèvent pour, d’une manière différente, interpréter “Take Me Home Pt.2”, ce sommet de l’album de Cabane, le projet de Thomas, publié trois semaines plus tôt. Un moment de grâce, suspendu dans l’air. L’un de ceux qui nous marquent de leur empreinte, des mois après avoir visionné sa captation.
Forte est l’image de cette communauté d’âmes solitaires, dans la nuit bruxelloise, rassemblée autour d’une même intention. Et, pour les spectateurs que nous avons été, il aura été facile d’imaginer que cette soirée ou cette nuit de partage auront été de derniers moments de liberté, avant que chanteuses et musicien ne se dispersent dans leurs maisons et leurs appartements, claquemurés, empêchés par ce virus dont nous avons dû apprendre le nom, puis mesuré le risque, quand il n’aura pas touché nos proches et certains artistes aimés, pour parfois les emporter.
« Take me home » : rester là, fidèles à nous-mêmes, réunis autour d’un foyer, comme nous y a invité la musique de Thomas à plusieurs reprises en cette année si paradoxale, et pour certains, disons-le, pleinement douloureuse. Aux côtés d’autres sirènes folk (Hillary Woods, Laura Veirs, This is the Kit justement), Cabane aura ainsi offert plus d’un moment de réconfort à nos âmes tourmentées.
Une chaleur communicative, dans la semi-pénombre d’un salon. La nuit tombée, les histoires peuvent, enfin, voir leur fil se dérouler. Les mots s’obstinent, les rêves s’ouvrent sur ce qui nous est le plus essentiel. Une étreinte fugitive entre deux corps (And when the darkness came / I made a pledge to stay / Before I slipped away / So silently), un appel vers d’autres lieux. De grands espaces à portée de la main, désormais. Une Amérique rêvée, le folk des origines peut-être, celui que Will Oldham, alias Bonnie ‘Prince’ Billy joue parfois, lui qui prête un peu de sa voix à Thomas sur la version du même titre figurant sur son disque. Celui qui, d’un certain folk, a su parfois se faire à la fois le héraut et l’héritier. Le folk, cette musique qui a depuis longtemps dépassé les frontières et réunit bien des communautés, de par le monde, et nous réunit, peut-être davantage aujourd’hui qu’hier.
Pour finir l’année en beauté et, espérons-le, entrevoir l’avenir qu’il mérite, Thomas a invité collègues et amis musiciens le temps d’une reprise. “Grande est la maison”, ce disque majeur, rejoué intégralement, de Raoul Vignal à Kate Stables, se rappelle donc à nous. Son pouvoir d’incarnation intact, quelles que soient la langue et l’interprétation. Et des voix qui savent, toujours, toucher juste (les chœurs célestes de Laura Etchegoyhen sur “easily we’ll see“, l’élégance feutrée de Marc A. Huyghens sur “take me home, Pt.2”). L’avenir lui appartient. Nous l’espérons radieux.
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