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Disques

RVG – Feral

Si nous étions passés à côté du court premier jet de RVG, “A Quality of Mercy”, sorti en 2017, le nouveau ne nous a pas échappé. Le nom du producteur y est pour quelque chose : aujourd’hui installé à Berlin, Victor Van Vugt a travaillé avec PJ Harvey, Nick Cave, Beth Orton, The Apartments, The Moodists, Luna, Epic Soundtracks ou plus récemment Robert Forster. En le choisissant, le quartette australien cherchait sans doute moins un sorcier du son à la griffe reconnaissable qu’un collaborateur capable de faire sonner sa musique de la façon la plus naturelle possible. De fait, les pistes instrumentales ont été enregistrées pour l’essentiel live en studio, à Melbourne (pour une fois c’est le producteur – certes australien d’origine – qui a fait le déplacement). Un traitement à peine moins brut que pour le premier album, et sans doute le meilleur possible pour ces chansons dont il ne fallait en aucun cas atténuer l’urgence et la vigueur.

Le titre (“feral” signifie “sauvage”) et cette volonté de ne pas trop enjoliver les compositions pouvaient laisser attendre – craindre ? – un brûlot garage-punk, mais la musique de RVG s’avère plus hospitalière. Même âpres, tous les morceaux gardent un côté pop qui a souvent fait comparer le groupe à ses compatriotes Go-Betweens (dans leurs premières années), aux Soft Boys, aux Smiths ou aux Only Ones. S’il y a de la rage dans la voix de Romy Vager, à la fois chanteur et chanteuse dont la formation emprunte les initiales comme pour signifier que c’est lui/elle qui mène la barque, celle-ci est constamment canalisée par les mélodies, le sens du riff “jangle” accrocheur, les sonorités familières d’un ensemble guitare-basse-batterie qui trouve à chaque fois la note juste. Pas très loin de l’Américain Ezra Furman dans l’esprit, avec un son un peu moins roots.

Appels à l’aide ou appels aux armes, les textes, toujours très intelligibles, abordent volontiers des thèmes sociaux et politiques, mais à travers des expériences personnelles, des récits incarnés. Vager regarde le monde à partir d’une position d’outsider, en essayant de le comprendre plutôt que de simplement le rejeter. Dans “Alexandra”, ouverture d’une rare puissance, le narrateur ou la narratrice s’adresse à sa petite sœur (l’Alexandra du titre) en espérant qu’elle, contrairement aux autres, acceptera sa “différence”. S’il y a une thématique générale qui se dégage de ces dix morceaux, c’est sans doute la recherche de la liberté, le rejet des préjugés, l’affirmation individuelle face au collectif qui voudrait figer chacun dans une identité. On sent ici de la douleur, des regrets (« I used to love you but now I don’t, and I don’t know why »), mais surtout l’envie d’aller de l’avant, de ne pas rester prisonnier du passé. De sa catharsis, Romy Vager a réussi à tirer des chansons vibrantes, pleines de force, qui nous font du bien en ces temps difficiles.

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