C’est une belle soirée qui était promise ce soir là à la Rock School Barbey : la grande salle attendait un ticket composé de Juveniles, que je n’avais jamais vus sur scène, et de Fishbach, seulement vue dans des conditions compliquées (seule, en extérieur, au milieu de serveurs d’un restaurant…). Les premiers sont déjà à l’œuvre quand je pénètre dans la salle, déjà correctement remplie. La pop électro très entraînante des Rennais fonctionne à plein régime, avec force claviers : difficile de ne pas se dandiner sur “Someone Better”, “Way to Fix It” ou “Decoys”, souvent portés par une ligne de basse rondelette. C’est une entrée en matière parfaite, une synth pop vitaminée à souhait, idéale pour se mettre dans le sens de la marche.
La salle est comble ou pas loin – les gradins sont fermés – quand la Française (Flora) Fishbach prend possession de la scène, accompagnée par un excellent et efficace groupe (Alexandre Bourrit à la guitare, Michelle Blades à la basse et aux chœurs, Nicolas Lockhart aux claviers et machines). Elle impose rapidement une sacrée présence, jouant d’un regard perçant qui ne doit pas faire oublier un vrai sens théâtral, ce en quoi elle est souvent rejointe par Michelle Blades. Mais ce sont bien ses chansons qui convainquent, encore plus en live d’ailleurs : elle fait bien entendu la part belle à son album, ne conservant que “Mortel” et “Béton mouillé” de son premier EP (et encore, le premier titre est aussi sur l’album). C’est indéniablement rodé, et si le démarrage de “Tu vas vibrer” et “Ma voie lactée” est un peu en retrait, le groupe monte rapidement en régime.
“Eternité” est une première poussée, “A ta merci”, un beau moment d’intimité, et on sent que la jeune Française trouve ses marques, y compris avec le public, entre humour noir (pour annoncer “Le Château”, chanson sur le suicide aux allures de tube) et séduction troublante (elle s’étend sur le devant de la scène, cigarette au bec, pendant “A ta merci”). Le quatuor se distingue sur “On me dit tu”, qui permet à la formation de monter dans les tours en jouant à fond la carte de la mise en scène sur ce titre qui, une fois de plus, brasse le thème de la mort mais toujours sous une forme de variété un peu dark aux entournures. Le talent de Fishbach est de pleinement embrasser cette identité et de pousser jusqu’au bout l’exercice, pour finalement terminer sur “Un autre que moi”, qui laisse une salle comblée, à en juger par le succès du stand merchandising à la fin. Sacrée performance, à la hauteur de la singularité de l’univers de cette jeune femme.