Toy a sorti “Clear Shot”, son troisième album il y a quelques semaines. Plus facile d’accès, il contient même un single aux allures de classique instantané, “I’m Still Beliving”. De passage à Paris pour un concert au Nouveau Casino, le groupe a accepté de nous recevoir au café voisin autour d’une pinte et d’un croque-monsieur. Ils évoquent le départ de leur clavier, leur amour pour Felt et leur collaboration avec Natasha Khan de Bat for Lashes.
Vous aviez enchaîné vos deux premiers albums. Celui-ci sort trois ans après le précédent. Vous avez également arrêté de tourner pendant un an et demi. Aviez-vous besoin d’un break ?
Tom Dougall : Pas vraiment. Nous sommes restés occupés pendant cette période. Notamment à composer. S’il n’y avait pas de véritable tournée, nous jouions régulièrement en live. Il nous a fallu également gérer le départ du groupe d’Alejandra qui a été remplacée par Max. Prendre de nouvelles marques demande du temps.
Max Oscarnold : Le disque en lui-même n’a pas pris longtemps à enregistrer. Seulement deux semaines.
Vous avez sorti quatre inédits sur le “Spellbound EP”. Les sessions d’écriture et d’enregistrement du nouvel album ont-elles été très productives ?
Tom Dougall : Oui, nous avons encore beaucoup de titres non achevés issus de ces sessions d’écriture. Certains sont très bons et j’ai vraiment hâte d’avoir le temps de les retravailler. Ce sera peut être sous la forme d’un E.P, comme pour “Spellbound”.
Charlie Salvidge : Nous avions plus de vingt titres avant d’entrer en studio et seulement onze ont été utilisés pour l’album.
Max : Nous voulions toutes les enregistrer, mais le temps était limité. Avant d’entrer en studio, il a fallu penser à la cohérence de l’album et choisir les onze démos qui allaient le mieux ensemble.
Les titres du nouvel album paraissent plus faciles d’accès. Etait-ce une volonté de votre part ?
Tom : Nous nous en sommes aperçus une fois l’album terminé. Une des caractéristiques du groupe est de ne jamais se focaliser sur une idée spécifique. C’est un moyen d’éviter de finir avec des morceaux qui pourraient sonner artificiels. On joue ensemble, et on voit ce qui se passe.
Charlie : Nous avons aussi travaillé avec un producteur différent cette fois-ci, David Wrench. Dan Carey avait produit les deux albums précédents. David Wrench a eu une approche différente. Il nous a proposé de mettre moins d’effets sur nos guitares. Nous avons trouvé l’idée intéressante.
David Wrench a également produit le prochain disque de Temples, avec qui vous partagez le même label, “Heavenly Recordings”. Qu’a-t-il apporté au disque que vous n’auriez pas réussi à exprimer ?
Tom : Il a une très bonne oreille et d’excellentes techniques d’enregistrement.
Charlie : C’est une personne méthodique. Pour chaque chanson, il a créé un graphique sur un tableau qui résumait tout ce dont nous avions besoin pour atteindre notre objectif. Nous n’avions jamais travaillé de la sorte auparavant.
Alejandra Diez qui était aux claviers a beau avoir quitté le groupe, on retrouve pourtant beaucoup plus de piano et de synthé sur “Clear Shot”.
Charlie : Nous n’en avons pas forcément utilisé plus, mais plutôt une grande variété.
Max : Pour les synthés et le piano, aucun son n’a été retravaillé ou filtré. Nous avons enregistré à l’ancienne, sans aucun ordinateur. Le studio avait un nombre de synthés incroyables à disposition. Il était tentant de les utiliser. Certains dataient des années 70, dont un emulator que nous avons beaucoup utilisé pour les sons de cordes.
En quoi avoir enregistré loin de chez vous, à Stockport a-t-il modifié votre approche de l’enregistrement ?
Tom : Nous logions même au sein du studio, dans un dortoir à l’étage. Nous avons pu travailler quand nous le souhaitions et sans aucune distraction. Nos trois albums ont été enregistrés en deux semaines, ce qui est court. N’ayant pas à rentrer à la maison tous les soirs comme pour les deux précédents, nous avons pu expérimenter un peu plus.
Max : A la différence prête que, cette fois-ci, nous avions des idées en tête que nous voulions tenter de travailler en studio. Avant mon arrivée, le groupe avait plutôt tendance à laisser les choses venir sans anticiper.
Charlie : Nous avons perdu moins de temps à partir dans toutes les directions. Notre travail était plus concis. Il faut savoir apprendre de ses erreurs.
En entendant les vocaux de “I’m Still Believing” pour la première fois, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Felt. Est-ce un groupe que vous comptez parmi vos influences ?
Tom : Tu n’es pas le premier à nous en parler. Nous sommes de gros fans du groupe. C’est la façon légèrement parlée dont j’aborde le chant qui doit y faire penser. Les gens le remarque moins, mais “Godstar” de Psychic TV a aussi été une grosse influence pour “I’m Still Believing”.
Max : Nous adorons tout ce que Lawrence a fait, Felt, Go Kart Mozart et Denim. Surtout Denim. Nous avons la chance de le connaître car nous avons des amis en commun.
Durant l’été 2015 vous avez enregistré avec Dan Carey et Natasha Khan un mini LP de reprises sous le nom de Sexwhitch. Ce projet en off a-t-il apporté quelque chose d’une façon ou une autre à “Clear Shot”?
Tom : Oui, un petit peu. Il y a toujours du bon à prendre en observant les techniques de travail des autres.
Charlie : Ça nous a fait du bien de travailler sur un style de musique différent du nôtre. Mais je pense que si quelque chose en est ressorti lors des sessions de “Clear Shot”, c’est plus du domaine de l’inconscient.
J’ai assisté à votre concert en avril 2013 dans une boutique Agnes B pour le Record Store Day. Quel souvenir gardez-vous de cette escapade parisienne de plusieurs jours avec d’autres groupes du label ?
Tom : C’est un bon souvenir car nous tournons très rarement avec les autres groupes du label. Nous en connaissons très peu personnellement. Il y a un esprit de famille qui existe, mais c’est surtout un lien entre Jeff Barret et Danny Mitchell qui gèrent le label et les groupes qu’ils signent. Tout le monde semble heureux de travailler avec eux.
Lorsque Toy a débuté, vous étiez un peu des précurseurs avec votre musique teintée de psychédélisme. Quel regard portez-vous sur l’explosion de cette scène depuis ?
Tom : Quand nous avons sorti notre premier single “Left Myself Behind” en 2011, il n’y avait pas beaucoup de groupes qui sonnaient comme nous à l’époque. C’est cette différence qui fait que les gens ont accroché à Toy.
Charlie : Maintenant, beaucoup de groupes évoluent sur la même scène que la nôtre. Malheureusement, il y en a un peu trop qui sonnent exactement pareil. J’ai assisté au Psych Fest de Liverpool récemment et je me suis ennuyé la majorité du temps.
Max : Peu importe les époques, il y aura toujours des mouvements qui vont se développer jusqu’à saturation. C’était déjà pareil dans les 60’s lors de la création de la scène psychédélique.
Tom : Oui mais à l’époque les groupes se démarquaient un peu plus. Aujourd’hui il n’y a plus vraiment de prise de risque.
J’aime beaucoup la pochette du disque. On dirait une pochette de fanzine avec une photo photocopiée. Pourriez-vous nous en parler ?
Tom : Nous devions la faire réaliser par quelqu’un mais ça prenait une tournure compliquée. C’est Danny du label et moi même qui l’avons réalisée. La photo du groupe a été prise par Steve Gullick, un grand photographe rock qui a collaboré avec d’énormes groupes comme Nirvana. Nous voulions une pochette dans l’esprit d’une vieille cassette de Throbbing Gristle. Elle a été réalisée très rapidement, à la dernière minute. Comme la majorité des décisions qui concernent le groupe.