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Dans le rap d’Atlanta, de nos jours, il y a tout d’abord les deux têtes de gondole, Future et Young Thug. Viennent ensuite une poignée de noms devenus familiers au cours de ces dernières années, ceux de Rich Homie Quan, de Migos, ou de PeeWee Longway, avec toute sa bande de MPA. Et puis il y a tous les autres, toute cette collection foisonnante de seconds couteaux plus ou moins attachants, qui déclinent à l’infini les deux tendances de fond qui travaillent la scène locale dans les années 2010 : ses envies de chantonnement, et sa propension à donner dans un rap allumé. Avec quelques proches comme YFN Lucci, un rappeur qu’il a encouragé à se lancer et qui cultive un style voisin du sien, Johnny Cinco est l’un de ceux là.
Son apparition remonte aux alentours de 2012. Il faisait alors partie, avec Yakki Divioshi, du duo HellaCoppa, et ils avaient sorti ensemble un projet intitulé Young Niggas in Paris, sous le parrainage de DJ Esco, et avec le renfort de la sensation de l’époque, Trinidad James, ainsi que de Jose Guapo des Rich Kidz. Dès l’année d’après, cependant, les deux hommes allaient se lancer en solo. Johnny Cinco ferait alors parler de lui avec les mixtapes Cinco (2013), John Popi (2014) et, plus décisive encore, I Swear en 2015 (d’où sera issu le single en vue « Understand Me »), ainsi que de projets communs avec Money Makin Nique, The Extra EP (2014), et Hoodrich Pablo Juan, Poppi Seed Connect Da Grand Hu$$le (2015). Sa chance, alors, est d’être invité par Coach K et Pee à rejoindre leur Quality Control, un label qui, via son contrat avec 300 Entertainment et la prise en charge d’artistes comme Migos et OG Maco, devient un acteur central du rap d’Atlanta.
Formellement, Johnny Cinco pousse plus loin encore les mutations récentes de la musique de sa ville. Avec lui, les raps ne sont plus seulement chantonnés, parcourus d’onomatopées bizarres, et avides de rimes simples : ils sont marmonnés d’une manière paresseuse, avec une bouche pâteuse qui sent la gueule de bois ou le bad trip. C’est à tel point que les paroles en deviennent proprement inintelligibles, même si affleurent toujours, en surface, les thèmes habituels des femmes et de la drogue. La mélodie reprend elle aussi son emprise sur le rythme, grâce à de petites ritournelles souvent composées au piano, à l’image, sur cette dernière sortie, Cinco 2, de l’introductif « Ooohh », de « Master P », un tube dans son genre, ou du beau « Talk », avec YFN Lucci et YFN TrePound.
Certains se poseront encore la question de savoir s’il s’agit toujours de rap. Mais la réponse n’a aucune importance : tout ce qui compte, tout ce qui demeure, ce sont les titres cités plus haut. C’est aussi la mélancolie de « Average » et de « 2 Lame Judo », ce sont les percussions trap prenantes de « The 1st », c’est la simplicité répétitive mais addictive de « Get Me Some Money », et c’est la géniale conclusion « Everywhere You Go You Gotta Pop It ». Ce sont ces nombreuses preuves, éparpillées sur un Cinco 2 pourtant imparfait, que Johnny Cinco mérite aujourd’hui d’être promu une division plus haut dans le contexte compétitif du rap d’Atlanta.