Volontairement incohérents, les Brestois de Quitter Kobé nous déroutent avec ce nouvel album qui ne veut pas choisir entre le Post-Rock, la Synth Pop des 80’s et le désespoir rentré de Diabologum.
Que cherchons-nous dans la musique ? Une désorientation de nos vies ? Une cassure dans la routine de nos jours ? La sublimation de nos angoisses dans le regard d’un autre ?
Cela et autre chose, plus encore parfois.
Les brestois de Quitter Kobé, eux, recherchent l’impression de, la suggestion de. Entre Casiotone For The Painfully Alone et Arab Strap ou encore Diabologum, ils promènent une atonie accueillante, comme la chaleur du soleil sur la neige.
Musique suggestive ? A coup sûr ! On y retrouve un climat fugitif au service de paroles presque du registre du banal, déclamée par une voix blanche et désincarnée où se mêlent des souvenirs d’une Synth Pop glaciale des années 80 juxtaposés à une écriture comme un copier-coller ou parfois à un Post-Rock décharné quand il n’épuise pas sa désespérance dans une implacable évolution froide.
L’impression aussi de retrouver Tracey Thorn période Everything But The Girl et l’album « Temperamental » avec cette voix féminine au milieu de ces rythmes minimaux et saccadés.
Il y a quelque chose de rétro dans « Quitte ou double » sans pour autant être rétrograde. Une évidente attirance pour un son des années 80 et 90 sans pour autant tomber dans la copie ou pire la parodie.
Il y a aussi une certaine propension à la malice chez les brestois qui s’amusent à faire se rencontrer une electro vintage avec les guitares de Vini Reilly ou la sensualité de Daho jeune. Un pied dans la frénésie d’une danse, l’autre dans la profondeur d’une pensée. Une musique volontairement bancale sans pour autant tomber dans le piège facile du malaise.
Chez eux, les mêmes pulsions pour une rythmique du désespoir, à l’image d’un Lescop plus récemment ou d’Avril il y a déjà une éternité. Chez Quitter Kobé, aucune envie de clamer quoique ce soit ou de se poser en témoin. Seule compte l’impression une fois encore.
On s’amusera à chercher ça et là quelques références, allant de Cabaret Voltaire à Coil ou parfois plus prosaïquement Depeche Mode ou une certaine Pop étiquetée Eighties.
Quitter Kobé tire parti d’une faiblesse sur ce disque, le manque de moyens de production pour amener ces onze titres vers une forme de minimalisme bien vu, comme un atout supplémentaire plus que comme un échec.
Chez Quitter Kobé, on entre facilement mais on ne parvient pas pour autant aisément à retranscrire ce que l’on y ressent, comme une espèce de divagation, de déambulation dans un espace fermé.
Certes, il y a de la lumière mais l’espace semble cloisonné, tout en tension pour l’instant d’ensuite rappeler Sarah Cracknell, Saint Etienne et une mélancolie rieuse.
Faut-il pour autant voir dans le caractère ambiant du disque une forme de versatilité de son auteur ? Sans doute que non, l’explication est à chercher ailleurs, dans la géographie de sa création.
Versatile comme cette ville de Brest, plantée au bout de la Bretagne, au bout de tout, au bout du monde. Ce port, cette ville ouvrière et un peu endormie. Ce climat où vous pouvez traverser les quatre saisons en une seule journée. Le vent omniprésent partout qui s’infiltre sous les vêtements, sous la chair, sous l’identité.
Cette ville propice à l’errance sans but, aux histoires oubliées et aux tempêtes qui ont pris de l’ampleur.
Une ville laide mais au charme que l’on ne s’explique pas, une ville à décoder dans ses nuances à l’image de la musique de Quitter Kobé.