Pas encore vraiment rassasiés du gargantuesque triple album de Mendelson que nous avions élu album de l’année en 2013, Pascal Bouaziz, leader imposant du groupe qu’on élit aussi régulièrement meilleur groupe du monde, à égalité avec les Warlocks, nous revient avec un nouveau projet : Bruit Noir. Un nom qui leur va comme un gant. Un gant d’éboueur ou de travailleurs d’abattoir…
Après cinq albums majeurs dont certains seront réédités prochainement chez Ici d’ailleurs, Bruit Noir est la suite logique de ce qu’on attendait de Pascal Bouaziz : une écriture du détails pour mieux révéler les souffrances d’une vie moderne coincée entre une déviation et un KFC.
Bruit noir n’est pas le groupe d’un seul homme. L’idée de départ vient de Jean-Michel Pires, « Mitch », l’un des deux batteurs de Mendelson. Pascal Bouaziz devait poser sa voix sur un titre de Mitch. Comme ça pour s’amuser. Le but étant de faire quelque chose de très spontané, d’improvisé. Il en sortira un album terrifiant, suffoquant, le sourire en coin parfois, à commencer par ce liminaire « Requiem ». Débarrassé de lui, enfui tel Xavier Dupont de Ligonnès ou le Docteur Godard vers des contrées plus tropicales que Combs-la-ville, Chartres et Le Mans, Pascal Bouaziz se chante mort, incompris. On aura rarement vu des intros aussi accueillantes.
Ce premier tome intitulé sobrement « I / III » annonce donc la couleur: le noir. Un noir fait principalement de cuivres déformés, de percussions et de la voix de Pascal Bouaziz, inchangée, toujours aussi calme, comme détachée du propos. Un noir qui peut rassurer aussi comme le sanglant « L’usine ». L’horreur absolue, comme dirait Katerine, du travail à la chaîne à déchirer des bœufs en deux pour vivre et qui nous conforte un peu en nous rassurant un peu qu’il y a toujours pire ailleurs. « Il y a toujours plus pauvre que soi » disait déjà Pascal Bouaziz dans « Barbara » l’un des sommets discographiques de Mendelson. J’aurais bien ri aussi avec le titre « La province » : « Même le jour c’est toujours nuit ». On entendra aussi dans la chanson le nom de Jean-Luc Le Ténia. Un artiste trop peu connu du Mans et qui, à l’instar de Bouaziz, avait lui aussi fait une chanson ante mortem : « Jean-Luc est mort« .
Toujours aussi misanthrope dans le texte – « Manifestation » nous fait parfois penser à Programme et aussi à « J’aime pas les gens » un autre point d’orgue discographique de Mendelson – Bruit Noir est donc un disque tête-bêche d’une grande puissance, ambivalent et forcément dérangeant. Un disque qui en dit bien plus qu’il ne veut sur nous. Un choc une fois de plus.