En toute logique, vous ne les avez pas loupés. Les membres de la Sauce Factory sont, en effet, l’une des sensations rap du moment. Multipliant les mixtapes depuis quelques mois, vantés par des figures du cru (Slim Thug) ou d’ailleurs (Drake), ils sont partout, et ils sont présentés comme la relève, dans l’une des plus anciennes places fortes du rap aux Etats-Unis : Houston. Les Sauce Twinz (Sauce Walka et Sancho Saucy), Sosamann, 5th Ward JP, Drippy, Rizzo et quelques autres viennent d’endroits distincts de la grande ville texane, mais ils tiennent tous à représenter sa nouvelle génération, en se faisant les porte-voix d’un mouvement, d’un son, d’un concept (tout cela à la fois), qu’ils ont donc choisi de dénommer « Sauce ».
Derrière cette notion aux contours flous, on trouve bien sûr une allusion à la drogue, en particulier ce sirop à la codéine connu pour être la substance de choix à Houston. Le terme désigne aussi tout un style de vie, celui déjà vanté par les rappeurs du coin : mener grand train ; partir dans de longues virées en voiture, la musique à fond ; s’habiller luxueusement, avec les couleurs chatoyantes d’un mac. The Sauce Factory, pourtant, ne ressemble pas tout à fait à ses prédécesseurs locaux. On retrouve aussi, chez eux, une forte influence du trap rap d’Atlanta, lequel ne cesse plus d’essaimer, et de redéfinir le son d’autres scènes. Plus précisément, TSF a souvent été comparé à Migos, pour ses airs de groupe post-gangsta totalement farfelu, porté sur les répétitions et sur les slogans. Les deux collectifs ont d’ailleurs tout récemment oeuvré ensemble, sur le titre « On Top ».
L’influence d’Atlanta est particulièrement audible chez Sosamann, le vétéran du groupe, un représentant de Southwest Houston (quand les Sauce Twins, en quelque sorte le cœur du collectif, viennent du Sud-Est de la ville). Le titre de sa dernière mixtape solo, d’ailleurs, ne trompe pas : disponible depuis début 2015, cette suite à un premier volume homonyme sorti en 2013 s’intitule en effet Trap’d Out 2. Les basses qui pulsent, les synthés clinquants, les raps entonnés comme des ritournelles, les complaintes chantées à l’auto-tune (« On My Grind », « Forever », « Roll Windows Down », « I Do », « Smock, Fuck, Leave »), les thèmes de l’argent et des filles utilisés comme prétextes à toutes les divagations, plutôt que pour faire sens, et même un titre produit par Zaytoven (« What You Sayin' ») : Sosamann a beaucoup en commun avec les rappeurs de l’autre grande ville rap du Sud.
Trap’d Out 2, aussi, est l’une des mixtapes les plus convaincantes proposées à ce jour par la Fabrique de Sauce, laquelle est si prolifique qu’elle en est bien sûr inégale. Elle regorge en tout cas de grands moments : le furieux « Trap’d Out », l’entêtant « Up Front », la romance « Forever », le duo « Selfmade » avec le parrain Slim Thug, le conclusif très cloud « Untouchable », des « I’m Da Man » et « Fade This Wave » avec un Sauce Walka possédé, et bien sûr cet autre titre avec le même, « Did a Whole Lot », à ce jour l’un des gros tubes de la Sauce Factory, et l’un de leurs morceaux manifestes. Sosamann en a sous la spatule, il a même remis ça plus tard dans l’année, avec les Sauce Twinz, via une autre mixtape notable, Sauce Theft Auto. Comme quoi, semble-t-il, TSF n’en a pas fini d’envoyer la sauce.