On avait quitté Wooden Wand (a.k.a. James Jackson Toth) sur un disque étonnamment ordonné et présentable, le très classique (mais aussi très réussi) « Briarwood » (2011). On s’était alors demandé si notre homme, d’abord réputé pour une musique nettement plus instable et expérimentale, rentrerait sagement dans le rang et renoncerait pour de bon à ses envies de mise en danger. La réponse n’aura pas tardé, elle est éclatante. Aveuglante même. Aveuglante de noirceur, tant ce nouvel album peuplé de fantômes renoue avec les climats étranges et désespérés d’un country-folk que certains se plairont sans doute à qualifier de gothique.
« Blood Oaths of the New Blues » est un disque prenant et inquiétant, qui semble jouer sur une ambivalence permanente, tiraillé entre le caractère introspectif et extrêmement personnel de son écriture et une impression d’espace dégagée par une production particulièrement aérée. Autour de ces folk-songs charbonneuses, parfois proches de celles des merveilleux Canadiens Evening Hymns, se développe un sentiment d’immensité presque oppressant. Abandonné quelque part au milieu d’un désert privé de lumière, Toth enfile avec une classe peu commune son costume de cow-boy solitaire livré à l’infini. Les amateurs de hors-piste peuvent donc être rassurés : en véritable insoumis, Wooden Wand n’est pas encore prêt à figer ses chansons dans le marbre des musées de l’Americana. Il s’affirme un peu plus encore comme l’un des plus exigeants réformateurs des musiques traditionnelles d’outre-Atlantique.