Souvent les reformations de dinosaures de l’ère post punk suscitent des attentes et des commentaires disproportionnés par rapport à la valeur réelle de l’événement. Ce qui est bien avec PiL, c’est que je n’attendais rien d’eux. Rien de ce vieux cabot de John Lydon, harangueur empâté qui a définitivement achever de me navrer en rejouant la comédie du bouffon cynique, cathodique et âpre aux gains. « This Is PiL » est le premier album de Public Image Limited en vingt ans. Autant dire une éternité et, ô miracle, il tient la route. J’avais presque oublié que lui et ses comparses (le guitariste Lu Edmonds, le batteur Bruce Smith, et le nouveau bassiste Scott Firth) savaient écrire des chansons au sens pop du terme. Ce que le laboratoire dub et post-punk de « First Issue » et de « Metal Box » ne laissaient pas présager aux vues de leur radicalité brouillonne. En 2012, PiL ne pique plus et tout le monde s’en fout mais on retrouve avec un plaisir vite contagieux cet amour viscéral pour le dub, les lignes de basse chaudes comme des coulées de lave, le chant halluciné de Lydon en grande forme. Sans sacrifier à la musicalité des chansons, le disque s’autorise des embardées dans le bizarre, le flottement aquatique, le rock expérimental. Chaque chanson est un costume taillé à la démesure de John Lydon qui joue son rôle de diva à la perfection. Dès « One Drop », le single désigné, il fait son devoir d’inventaire « We came from chaos, you can’t change us », manière de nous prévenir que tout est permis. En effet, sur « Lolipop Opera », « Fool », « It said That » et « The Room I Am In », il se livre à un festival d’interprétations passant du crooner cramé à l’acteur déclamant avec aisance. Le bougre a plusieurs cordes à son arc et ne se prend jamais les pieds dedans (sauf peut-être en matière de graphisme de pochette d’album…). PiL se métamorphose tout au long de ces retrouvailles musicales avec une science de caméléon qui lui évite la vacuité fate. C’est pourtant des titres plus mainstream comme « One Drop », « Deeper Water », « I Must Be Dreaming » ou le long morceau de dub final « Out of the Woods » qui nous restent en mémoire et qui justifient, à eux-seuls, ce retour plutôt réussi. On n’en espérait pas tant.
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