Sans faire de piètre jeu de mots, la soirée promettait de faire du bruit. D’un côté, les Bordelais de Mars Red Sky, de retour d’un passage remarqué au SXSW, de l’autre le trio de Brooklyn A Place to Bury Strangers, un super EP sous le bras et une réputation sonique qui ne se dément pas. Et bon sang ne saurait mentir : on en a pris plein les oreilles, et c’était bon en plus.
Mars Red Sky, je commence à avoir des points de repère avec eux. Vus cinq fois en concert, dans des conditions bien différentes, je croyais savoir à quoi m’attendre. Et pourtant, j’ai été bluffé pour cette date un peu spéciale (dernier concert avec le groupe pour Benoît, le batteur). J’ai vu et entendu un groupe qui maîtrise à la perfection ses morceaux, un groupe toujours aussi puissant et appliqué, mais d’une vraie subtilité, avec quelques morceaux en passe de devenir des classiques (« Strong Reflection », « Curse », « Way to Rome ») et plein de petits détails qui me persuadent que Mars Red Sky a franchi un palier. C’est une complicité forte, une constance dans le long set (presque une heure), des passages instrumentaux méchamment scotchants.
Le climat change drastiquement quand commence le trio new-yorkais. Il y a de la tension, de l’électricité dans l’air, et elle n’est pas que dans les premières déflagrations sonores. Il y a autre chose, et très vite, Oliver Ackermann commence à exploser. Au sens métaphorique, mais la guitare commence à faire des tours autour de son cou, son micro tombe, il tombe sur scène, je le crois fou ou ivre, ou les deux. C’est sans doute le passage du concert qui est le plus clivant (pour employer un terme à la mode) : la violence sonore semble être l’exutoire ultime du chanteur, qui peut laisser totalement indifférent comme exercer un pouvoir fascinant. Moi, je suis pris et absorbé par le parti-pris du groupe de durcir fortement les morceaux (déjà puissants), de faire du son le propos du concert, même si c’est un peu au détriment des chansons. L’éclairage est d’ailleurs là pour transmettre cette plongée abyssale dans le son et sa noirceur : ça flashe dans tous les sens, et c’est très froid à la fois. Le groupe semble néanmoins s’apaiser vers le milieu du set, sans renier l’énergie dégagée jusque là : on retrouve les titres de l’EP, on entend « I Lived My Life… », il y a un peu plus de rondeur dans cette puissance. Les exclus du premier wagon peuvent remonter à bord, les autres connaissent l’accalmie. Sans avoir dt un mot, le groupe finit, Ackermann termine dans une foule enthousiaste, qui le convainc de remonter, le temps d’un titre (« Drill It Up »), un peu… trop adouci. Comme quoi, on peut être un groupe qui dégage plus d’énergie que tous les autres et connaître un coup de pompe. L’expérience reste néanmoins fascinante.