TARA KING TH. – Extravagant, Grotesque & Nonchalant
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Elle est apparue un beau jour de septembre 1968. Sa mission : infiltrer des millions de foyers britanniques. En la découvrant ainsi pour la première fois dans leur poste de télévision, un bon nombre d’entre eux ne virent en elle qu’une simple recrue éphémère de l’extravagant Mère-Grand et n’imaginèrent probablement pas que cette charmante créature coiffée à la garçonne deviendrait, la saison suivante, la nouvelle partenaire officielle de l’inamovible John Steed. Elle, c’est Tara King, qui entre en scène dans l’ultime épisode de la cinquième saison de The Avengers baptisé "The Forget-Me-Knot". Les téléspectateurs transis assistaient alors, le cœur serré, au passage de flambeau entre la délicieuse Emma Peel et Tara King dans une scène finale aussi discrète qu’élégante, à l’image de l’ensemble de cette série culte des sixties. Depuis lors, le débat – passionné, crucial, existentiel – fait rage : Emma ou Tara ? Les puristes ont toujours préféré Emma à Tara, lui reprochant son manque d’expérience flagrant et sa fantaisie excessive qui tranchait avec la nonchalance et la distance amusée de la ravissante Mme Peel.
On ne sait trop pourquoi les Rhônalpins de Tara King Th. ont choisi comme étendard le nom de l’héroïne controversée ; peut être parce que, comme elle, ce sont des outsiders qui à force de travail appliqué et d’affirmation de personnalité finiront par conquérir le cœur du public et par dépasser le maître dont l’ombre plane insidieusement sur "Extravagant, Grotesque & Nonchalant" : Broadcast. Hommage appuyé, influence inconsciente, coïncidence troublante… il est pratiquement impossible de ne pas penser au groupe de Birmingham tant la voix, les climats, les mélodies rappellent ceux de leur aîné anglais. Depuis que Broadcast a décidé de délaisser ses amours d’antan et d’aller explorer de nouveaux horizons (avec plus ou moins de bonheur), nombreux sont les groupes qui tentent de prendre le relais. Tara King Th., comme leur excellent cousin anglais The Soundcarriers, sont ceux qui s’en sortent le mieux. Loin, très loin devant la concurrence.
La bande d’Arno Boyer et Béatrice Morel reprend donc les choses là où Broadcast les avaient laissées avec "The Noise Made by People" : la production est impeccable, le playback joué au millimètre, le mélange tout en finesse de rock psyché et de pop bubblegum des sixties séduit dès les premières notes. La chaleur inimitable des bons vieux claviers analogiques, bien plus efficaces pour un trip spatial que n’importe quel ordinateur dernier cri, se mêle aux atmosphères planantes et envoûtantes du trip hop appris à l’école de Bristol. Autre bonne surprise : la voix toujours ensorcelante, jamais crispante de Béatrice Morel qui – exploit – arrive à faire sonner le français aussi bien que l’anglais et ferait fondre littéralement sur place tout être normalement constitué. En témoigne ce "Disparais-Moi" qui plonge l’auditeur dans la torpeur moite d’un rêve éveillé ou le rétro-futuriste en diable "Astro Girl" à savourer de préférence "à l’envers, à l’endroit, toujours en apesanteur". Sorte de bande originale (en un peu plus corsée) d’un épisode inédit de "Chapeau Melon et Bottes de Cuir", "Extravagant, Grotesque & Nonchalant" est un bon album, élégant et intense, qui, même s’il s’essouffle un peu sur la fin et demeure encore trop référencé, mérite qu’on s’y attache pour un bon bout de temps. Emma n’a qu’à bien se tenir.
Rémi Mistry
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la chronique de « Démo » (2000)
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