VIOLENS – Amoral
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2010, année Violens ? Avant même l’écoute de ce premier album, on aura effectivement passé une bonne partie de ces derniers mois à s’imprégner de la musique du groupe, via les deux mixtapes généreusement offertes en téléchargement sur leur site. On y découvrait pêle-mêle inédits, remixes et reprises qui donnaient une image pour le moins éclatée de leurs influences : entre Saint Etienne, Wire, les Byrds, Dead Can Dance et le black metal autrichien (oui oui), il paraissait difficile de tracer une ligne esthétique. De fait, Violens ose ici toutes les contradictions, quitte à faire grincer les dents de quelques ayatollahs. Car si le blason est indéniablement indie, il en va autrement de l’ADN musical : alors que la nécessité adolescente impose de se singulariser par l’affichage de goûts choisis et passés au crible des affinités électives, de l’autre côté il y a le terreau affectif, quasi subliminal, sur lequel on a grandi, moins valorisant dans un cercle d’esthètes de salon, mais tout aussi décisif et formateur. Dans le cas de Jorge Elbrecht, enfant des années 80 (comme nous), ça signifie clairement passage sans transition du mainstream le plus sophistiqué à l’indie le plus intraitable. Ces opposés a priori inconciliables (à moins de jouer la carte du kitsch), Violens les fond harmonieusement et sans perversion apparente, comme sur l’excellent « It Couldn’t Be Perceived », dont l’intro déroule sur un même tapis le cristal dissonant du Byrds psychédélique, les guitares papillon façon The Edge, enfin des synthés tout droit sortis du placard des Simple Minds (ou de Balavoine, le débat est ouvert). Comment font-ils ? Étonnamment, le résultat ne tombe jamais du côté obscur de la force, toujours maintenu à flot par la fraîcheur mélodique des compositions, et surtout par la grâce du chant de Jorge Elbrecht : lyrique sans emphase, expressif sans lourdeur, virtuose sans affectation. Ce naturel et cette facilité leur donnent tous les droits : mettre une touche de saxo ici (« Are You Still in the Illusion ? »), oser les mélanges les moins évidents, comme cette manie qu’ils ont d’alterner les lignes claires et claquantes du post-punk avec les brumes du shoegazing le plus vaporeux (« Full Collision »). Violens assume ses penchants sans stratégie ni pose : c’est ce qui fait leur force et les éjecte d’emblée de la cohorte des « malins ». Égoïstement, on est plein de reconnaissance pour un type capable de revendiquer dans un même élan de passion les Pale Saints et Tears for Fears : c’est lui et c’est nous. Certes il est rassurant de se retrouver chez l’autre, mais les hommes de Violens ont dépassé le stade du miroir : ils nous emmènent de l’autre côté.
Mikaël Dion
The Dawn of Your Happiness Is Rising
Full Collision
Acid Reign
Are You Still in the Illusion ?
It Couldn’t Be Perceived
Until It’s Unlit
Violent Sensation Descends
Could You Stand to Know ?
Trance-Like Tum
Amoral
Another Strike Restrained
Generational Loss