WAVVES – King Of The Beach
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Il n’a pas compris tout de suite bibi, quand il les a vus sur scène l’an passé, que les trois zozos de Wavves avaient autre chose qu’un grain (de sable) dans le bocal. Du grand n’importe quoi s’était-il dit en ne voyant en eux que des bouffons de la plage. C’est que le délire punk poussé à son paroxysme lui avait tellement ravagé les esgourdes qu’il n’avait pu voir les enluminures mélodiques au milieu du boucan. À l’heure de la sortie de « King of the Beach », on pense enfin savoir ce qui se trame dans le cerveau enfumé du siphonné Nathan Williams, seul véritable dirigeant de ce royaume de la récréation éternelle.
Bien des litres et des litres de houblon ont coulé depuis l’hécatombe sonique « Wavvves » (2009). Exit le batteur intérimaire Zach Hill et place à deux rescapés de l’ouragan meurtrier Jay Reatard, Billy Hayes (batterie) et Stephen Pope (basse). Exit également les distorsions shoegaze à tout va, et place aux « sha la la ». Le soleil californien semble donc avoir eu raison du brouillard toxique qui encombrait jusqu’ici le cerveau du jeune Nathan. « Pop, Pop, Pop », peut-on lire sur la page MySpace du groupe. C’est comme le Port-Salut, c’est écrit dessus. Et l’écoute du single éponyme qui ouvre l’album suffit à s’en convaincre puisque, d’emblée, le son semble s’être généreusement éclairci. Mais que les amoureux de la première heure se rassurent, l’ami rigolard a certes mis de l’eau dans sa bière mais n’a pas pour autant mis fin aux expérimentations bruitistes qui lui vont si bien. Pour tout dire, ce polissage sonore est le chemin nécessaire vers la conquête de la plage. Fini de jouer la terreur des bacs à sable, Williams voit désormais bien plus loin et prend un malin plaisir à martyriser la ville entière. Il fait prendre le soleil à Nirvana (« Linus Spacehead »), déflore les gentilles Ronettes à grand coups de réverb’ (« When Will You Come »), rafraîchit le pelage de Panda Bear dont il écourte le trip lysergique (« Baseball Cards »), met de l’ecstasy dans le Coca de Blink-182 (« Post Acid ») et du LSD dans celui des Crystals qu’il attrape par le chignon pour les noyer dans la friture (« Mickey Mouse »). Cette vaste entreprise de débauche sonore généralisée fonctionne d’autant plus qu’elle est entièrement vouée au culte du saint Brian Wilson. À l’instar du récent travail de Bethany Cosentino avec Best Coast, Nathan Williams trempe ses compositions viscéralement pop dans le graillon, leur instillant une gouaille de branleur et sapant toute ambition musicale démesurée (faut pas déconner non plus). Ce qui offre à l’ensemble une classe de losers incontestable, comme en témoignent les vibrants « Take on the World », « Green Eyes » et bien sûr « King of the Beach ». « I still feel stupid », chante inlassablement le jeune Californien sur « Super Soaker ». Très bien, continue comme ça mec. Sous ces dehors de trublion écervelé, se cache donc un talent imparable. La preuve avec ce jouissif « King of the Beach », qui n’est autre que le bronzage intégral assuré à long terme après les coups de soleil corrosifs de « Wavvves ».
Sébastien Jenvrin
A lire également, sur Wavves :
la chronique de « Wavvves » (2009)
Le commpte-rendu du concert à la Flèche d’Or
King of the Beach
Super Soaker
Linus Spacehead
When Will You Come
Baseball Cards
Take on the World
Post Acid
Idiot
Green Eyes
Mickey Mouse
Convertible Balloon
Baby Say Goodbye